Moussa Benboubker 1, Boujemaa El Marnissi 2, Aziz Nhili 1, Karima El Rhazi 3
المعلومات والاتجاهات والممارسات في مقابل الاحتياطات القياسية لدى القائمين على تقديم الرعاية في مستشفى الحسن الثاني الجامعي في فاس(المغرب)
موسى بن بوبكر، بوجمعة المرنيسي، عزيز النحيلي، كريمة الغازي
الخلاصة: كان الهدف من هذا المسح هو تقييم مستوى المعلومات والاتجاهات والممارسات العملية مقابل الاحتياطات القياسية لدى القائمين على تقديم الرعاية في مستشفى الحسن الثاني الجامعي بفاس. فهي دراسة تقييمية مقطعية دامت شهرين. وقد تم جمع البيانات من خلال استبيان يملؤه المستجيبون بأنفسهم. وأخذت عينات من مجموعة الدراسة الذي شمل 307 ممرضة (%53.8)، 210 طبيباً (%36.77) و57 من موظفي الدعم (%9.45) الذين يعملون في فئات أخرى في الخدمات المختلفة. إن عينة هذه الدراسة كانت شابة، إذ تقل أعمار %79.7 منهم عن 30 عاماً. وأظهرت النتائج أن %28.72 فقط من العاملين في مجال الصحة قد تلقوا تدريباً على الاحتياطات القياسية. ومن ناحية أخرى، أفاد %87.7 من عينة الدراسة أنهم يلتزمون بممارسة غسل الأيدي عند الانتقال من مريض لآخر، وفي المقابل أفاد %75.7 منهم أنه من الضروري تغيير القفازات عند الانتقال من مريض لآخر. وخلاصة القول، فإن الالتزام بتدابير الحماية الشخصية كانت ضعيفة في العديد من الحالات المعرَّضة للمخاطر.
RÉSUMÉ La présente enquête avait pour objectif d’évaluer le niveau de connaissances, les attitudes et pratiques vis-à-vis des précautions standard (PS) parmi le personnel soignant du Centre hospitalier universitaire Hassan II de Fès. Il s’agit d’une étude d’évaluation, transversale et prospective, sur une période de deux mois. Les données ont été recueillies au moyen d’un questionnaire auto-administré. La population étudiée était répartie en
307 infirmiers (53,8 %), 210 médecins (36,77 %) et 57 personnels d’appui (9,45 %) appartenant aux autres catégories travaillant dans différents services. Cette population est très jeune puisque 79,7 % ont moins de 30 ans. Les résultats ont montré que seulement 28,72 % du personnel soignant avait reçu une formation aux PS. D’autre part, 87,7 % déclarent pratiquer le lavage des mains entre deux patients et 75,7 % reconnaissent la nécessité de changer de gants entre deux patients. Par contre, les mesures de protection individuelle ont été faiblement citées dans plusieurs situations à risque.
Knowledge, attitudes and practices towards standard precautions (SP) among caregivers at Hassan II University Teaching Hospital in Fes, Morocco
ABSTRACT This survey aims at assessing knowledge, attitudes and practices towards standard precautions (SP) among caregivers at Hassan II University Teaching Hospital in Fes. This is a cross-sectional prospective and evaluative study that covers a two-month period. Data were collected using an anonymous and self-administered questionnaire. Sampling population was divided into 307 nurses (53.8%), 210 hospital doctors (36.77%) and 57 support staff (9.45%), belonging to other various categories working in different departments. This is a young population since 79.7% are under 30 years old. The results have shown that only 28.72% of health care professionals had received training in SP. Moreover, 87.7% claimed to practice hands’ hygiene while moving from one patient to another. In contrast, 75.7% emphasized the need to change gloves each time they work on a new patient. However, individual protection measures were rarely mentioned in several risky situations.
1Service des Soins infirmiers, Centre hospitalier universitaire Hassan II, Fès, Maroc. (Correspondance à adresser à M. Benboubker : This e-mail address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it ). 2Service Recherche et Développement, Centre hospitalier universitaire Hassan II, Fès, Maroc. 3Laboratoire d’Épidémiologie, Recherche clinique et Santé communautaire, Faculté de Médecine et de Pharmacie, Fès, Maroc.
Received: 30/09/14 ; accepted : 03/08/16
Introduction
Les précautions d’hygiène regroupées sous le terme de « précautions standard » (PS) sont des mesures destinées à assurer une protection des professionnels et des patients vis-à-vis du risque infectieux. Ces mesures sont basées sur le principe que le sang, les liquides biologiques, les produits d’origine humaine, la peau lésée, les muqueuses et les objets souillés peuvent être à l’origine de la transmission de microorganismes lors des soins. Ces mesures doivent être appliquées pour tous les soins à l’ensemble des patients, quel que soit leur statut infectieux (1).
L’introduction du concept de PS a représenté, au milieu des années soixante-dix, une innovation majeure pour la prévention des risques
infectieux associés aux soins (2). Ainsi définies, les PS ont rapidement constitué le socle de toute politique de réduction des risques. Les PS peuvent être déclinées selon quatre axes : l’hygiène des mains ; l’utilisation des équipements de protection individuelle (gants, masques, surblouses, lunettes) ; la prévention des accidents avec exposition au sang (AES) ; et la gestion des équipements et environnements contaminés (3).
Plusieurs études ont pu mesurer l’effet positif d’une mise en œuvre systématique des PS ou de pratiques incluses dans ces précautions, notamment l’hygiène des mains. En France, le Groupe d’Étude sur le Risque d’Exposition des Soignants aux agents infectieux (GERES) a démontré une réduction de 25 % en 10 ans des AES survenus chez 1506 infirmières des services de médecine et de réanimation grâce à une meilleure application des PS (4). Soulignons que les accidents évitables par l’application des PS représentent encore plus du tiers des AES déclarés dans la surveillance nationale des AES conduite en France (5). Dans le même sens, une autre étude menée a montré que les gants réduisaient la quantité de sang transmise lors d’une piqûre de volume inoculé (6).
Malgré leur intérêt justifié et leur contribution à l’amélioration de la qualité des soins, les PS restent souvent mal connues et mal respectées dans les établissements hospitaliers. Leur mise en œuvre nécessite toutefois que les moyens soient disponibles, que les indications et les modalités pratiques soient définies et que le personnel soit formé et sensibilisé à l’intérêt et à la nécessité d’appliquer les PS en milieu de soins. Cette démarche ne peut aboutir que si l’on dispose d’informations valides sur les connaissances, les attitudes et les pratiques du personnel soignant en matière de PS.
Au niveau du Centre hospitalier universitaire (CHU) Hassan II et dans les formations hospitalières qui en relèvent, peu d’actions ont été jusque-là menées en matière de PS. Nous nous sommes donc proposés d’initier une enquête visant l’évaluation des connaissances, des attitudes et pratiques du personnel exerçant audit Centre vis-à-vis des PS et d’en déduire les actions à mettre en œuvre pour renforcer la sécurité des soins.
Méthodes
Il s’agit d’une enquête transversale effectuée durant les mois de mai et juin de l’année 2012, et qui a porté sur les cinq formations hospitalières relevant du CHU Hassan II de Fès. Tous les professionnels étaient éligibles pour participer à cette enquête : médecins, infirmiers et personnels des autres catégories (aides-soignants, agents de service hospitalier, etc.) travaillant dans différentes disciplines et unités de soins.
Support et collecte des données
Les informations ont été recueillies au moyen d’un questionnaire anonyme portant dans une première partie sur les caractéristiques de la population étudiée (âge, profil, sexe, hôpital, service et pôle d’activité). Une deuxième partie porte sur le niveau de connaissances et les attitudes/pratiques. Elle comprend 35 items répartis en six thématiques distinctes (formation et information, désinfection des mains, maîtrise du port des gants à usage unique, port de surblouse à usage unique, port de masque à usage unique et pratiques exemplaires de prévention des AES), chaque item comportant une échelle attitudinale de propositions : jamais, parfois, souvent et toujours.
La pratique a été considérée comme étant :
conforme lorsque l’item « toujours » était coché,
limitée lorsque l’item « souvent » était coché,
non conforme lorsque seuls les items « parfois » ou « jamais » étaient cochés.
Déroulement de l’enquête
Dix enquêteurs (huit infirmiers et deux médecins) ont été recrutés et formés aux principes et à l’objectif de l’enquête ainsi qu’aux modalités de remplissage du questionnaire afin de les expliquer aux participants. Le questionnaire a été distribué au début de l’étude à un échantillon de personnel afin de :
valider les outils et la méthodologie,
d’assurer que les questions étaient bien comprises,
de vérifier la qualité des réponses et d’estimer le temps de l’enquête.
Analyse statistique
La saisie et l’analyse des données ont été réalisées avec le logiciel Epi Info 7. Le traitement statistique comprenait l’analyse descriptive des données socio-démographiques et professionnelles ainsi que des données sur les connaissances et les attitudes/pratiques vis-à-vis des PS. La comparaison des variables a été traitée par le test du χ2 et le seuil de significativité (p) fixé à 0,05.
Résultats
Caractéristiques socio-démographiques et professionnelles
Sur 1082 participants attendus l’enquête a concerné 571 personnes, soit un taux de participation de 52,81 %. Toutes les catégories professionnelles sont représentées, avec un taux relativement plus élevé chez les médecins (58,17 %) que chez les infirmiers (53,11 %) et les autres catégories (37,76 %). Parmi les répondants au questionnaire, la catégorie des infirmiers a été la plus dominante (53,8 %), suivie par celle des médecins (36,8 %) et les autres catégories (9,45 %). La population étudiée est très jeune, 79,7 % ayant un âge compris entre 20 et 30 ans et le sex ratio est de 2,15. La répartition par pôle d’activité a montré que 48,7 % des participants exerçaient dans les disciplines chirurgicales et 24,7 % dans les disciplines médicales (Tableau 1).
Connaissances et attitudes/pratiques
Formation et information
Cent soixante-quatre participants ont déclaré avoir reçu une formation aux PS, soit 28,7 %, dont 126 dans les cinq années précédentes. Les personnels se déclarant les plus formés sont les infirmiers (56,7 %). Près de la moitié des infirmiers (56,3 %) et seulement un quart des médecins (25,4 %) ont déclaré avoir reçu cette formation dans les cinq dernières années. Moins de la moitié des infirmiers et des médecins sont aptes à trouver une procédure ou une affiche CAT « Conduite à tenir » en cas d’AES (respectivement 48,7 % et 41,4 %). (Figure 1).
Hygiène des mains
Parmi les répondants, 87,7 % ont cité la friction hydro-alcoolique ou le lavage des mains entre deux patients comme mesure essentielle des PS. De même, l’hygiène des mains entre deux activités et après retrait des gants a été déclarée essentielle par 77,9 % et 70,3 %, respectivement. Les médecins et les infirmiers déclarent pratiquer le plus souvent une hygiène des mains, que ce soit entre deux patients ou entre deux activités, avec des pourcentages qui oscillent entre 76,9 % et 88,9 % (Tableau 2).
Maîtrise du port de gants à usage unique
Quatre cent trente-deux participants ont cité le port des gants à usage unique en cas de risque de contact avec du sang ou tout autre produit biologique, soit 75,7 % ; de même, 65,1 % ont cité la maîtrise des gants à usage unique en cas de risque de contact avec des muqueuses, de risque de contact avec la peau lésée du patient ou lors des soins, 69,0 % lors de la manipulation de matériel souillé et 67,6 % lorsque les mains des soignants comportent des lésions cutanées. Par contre, le changement des gants à usage unique entre deux patients et entre deux activités était relativement faible : 37,8 % et 55,5 % respectivement (Tableau 2). Le pourcentage de port des gants à usage unique varie entre 34,3 % et 77,5 % pour toutes les situations à risque.
Port de surblouse à usage unique
Les équipements de protection individuelle sont globalement peu utilisés dans les situations à risque. Généralement, les taux déclarés sont compris entre 18,6 % et 20,5 % chez les médecins et entre 19,9 % et 20,8 % chez les infirmiers. Le pourcentage des participants ayant déclaré le port de surblouse est très faible, que ce soit lors de risque de contact avec du sang ou des produits d’origine humaine (20,5 %) ou en cas de projection avec des liquides biologiques (19,4 %) (Tableau 2).
Port de masque à usage unique
Le masque à usage unique était globalement peu porté dans toutes les catégories professionnelles, que ce soit pour se protéger vis-à-vis d’un patient suspecté d’une infection respiratoire (35,0 %) ou en cas de risque de projection ou d’aérosolisation de sang ou de tout autre produit d’origine humaine, avec un taux de 27,3 % (Tableau 2).
Port de lunettes ou de visière
La majorité des professionnels (87,2 %) ne portaient pas toujours des lunettes ou de visière en présence d'un risque de projection/d’aérosolisation de sang ou produits d’origine humaine (Tableau 2).
Pratiques exemplaires pour la prévention des AES
Concernant les pratiques adaptées devant un AES, 67,1 % des participants déclarent pratiquer un lavage et une antisepsie au niveau de la plaie en cas d’AES et 65,0 % pratiquent un lavage simple suivi d’une friction hydro-alcoolique si leur peau est souillée par du sang ou des liquides biologiques. De même, l’élimination immédiate des objets piquants et tranchants souillés dans un collecteur adapté a été signalée par 66,2 % des participants. Par contre, seulement 10,7 % et 19,3 % ont déclaré l’absence de désadaptation à la main et l’absence de recapuchonnage de l’aiguille souillée, respective-ment (Tableau 3).
Discussion
Notre étude est basée sur une enquête « connaissances, attitudes et pratiques » vis-à-vis des précautions standard chez les soignants du CHU Hassan II. Les résultats ont montré une mauvaise application des PS dans certaines situations – protection individuelle dans des situations à risque d’exposition aux liquides biologiques, port de gants à usage unique entre deux patients – telles qu’elles sont recommandées. Le taux de formation était généralement faible pour toutes les catégories professionnelles.
L’hygiène des mains a été la pratique la plus déclarée dans la plupart des situations. Les études par auto-questionnaire, comme c’est le cas pour notre travail, renseignent sur des auto-déclarations des participants et ne sont pas toujours en rapport avec les pratiques (7). Cependant, cette démarche peut permettre de
fournir un plan d’amélioration visant l’optimisation des PS dans l’établissement.
Les données relatives à la formation montrent que 28,72 % des participants déclarent avoir été formés aux PS,
et 22,1 % seulement dans les cinq dernières années. Les participants déclarant le plus avoir reçu une formation sont les infirmiers, avec un taux de 56,3 %. Ce faible taux nous amène à supposer que les formations reçues l’étaient plutôt dans le cadre de la formation initiale. Ces résultats sont loin de ceux d’une étude réalisée dans la région de Souss-Massa-Drâa du Sud marocain, où 96,3 % des personnes auditées affirmaient connaître les PS (8). Cet écart provient probablement de la faible expérience professionnelle des soignants exerçant dans notre établissement, caractérisé par une population jeune et nouvellement recrutée. Par contre, la population cible dans l’étude précédente avait une expérience professionnelle relativement élevée, en moyenne 12 ans (écart type [ET] : 8,4) (8). Plusieurs études ont montré l’apport de la formation initiale dans les connaissances des PS. En France, un audit sur les PS mené auprès de 4439 professionnels a montré que la formation initiale avait un impact plus important sur les connaissances que la formation continue. Dans cette étude, l’analyse multivariée montre que le niveau de connaissances sur les PS est plus faible pour les étudiants en médecine que pour les étudiants infirmiers (9). Nos résultats viennent étayer cette hypothèse. En effet, dans plusieurs situations, les bonnes réponses déclarées l’étaient dans la catégorie des infirmiers.
D’autres facteurs sont également associés au niveau de connaissances des professionnels sur les PS. Dans la présente étude, les connaissances déclarées peuvent être associées à l’âge et à l’expérience professionnelle. En effet, la plupart des participants sont des étudiants en médecine ou bien des infirmiers nouvellement recrutés. Dans ce sens, une étude chinoise a rapporté que les connaissances des professionnels non médicaux du bloc opératoire étaient également associées à un jeune âge, au sexe féminin, au niveau de formation, au grade et à l’expérience professionnelle (10). De même, les connaissances des infirmiers et des médecins étaient associées au suivi d’une formation et à une faible expérience professionnelle dans une étude réalisée en Suisse à Genève (11).
Dans notre étude, l’hygiène des mains semble bien pratiquée après le retrait des gants, entre deux patients ou entre deux activités chez les infirmiers et les médecins, avec une déclaration qui varie entre 76,9 % et 89,7 %. Ces déclarations rejoignent les résultats d’un audit, réalisé chez des professionnels en Basse-Normandie, qui rapporte des fréquences déclarées d’hygiène des mains entre deux patients et entre deux activités de 86,9 % et de 62,9 %, respectivement (12). L’observance de l’hygiène des mains après retrait des gants obtenue dans notre étude était de 70,3 %. Les déclarations les plus élevées l’étaient chez les infirmiers avec un taux de 89,7 %, suivis des médecins avec 78,1 %. Cette faible différence vient essentiellement du fait que les soignants qui effectuent plus de soins en série sont les infirmiers.
Concernant la maîtrise du port des gants à usage unique, les professionnels les plus concernés par ces gestes (médecins et infirmiers) ont la plus mauvaise déclaration dans plusieurs situations. Le taux de changement de gants pour les actes de soins (entre deux activités, entre deux patients) a été plus faible (de 37,8 % à 55,5 %) que celui du port de gants lors d’un contact avec du sang ou des produits d'origine humaine ou bien lorsque les mains comportent des lésions (de 67,6 % à 75,7 %). Ces résultats sont relativement concordants avec ceux révélés dans une étude menée chez le personnel soignant de la région de Souss-Massa-Drâa dans le Sud marocain, qui rapportait un taux de 90 % de port de gants lors d’un contact avec les liquides biologiques (8). De même, une étude menée à l’université publique de Samar aux Philippines a montré que le port des gants était de 94,83 % lorsqu’il y avait un risque de contact avec le sang (13). Par ailleurs, au Centre hospitalier de Givors (France), la fréquence du port de gants par des infirmiers était élevée pour les prélèvements veineux (14). La non-observance du port de gants dans certaines situations rapportée dans la présente étude peut être liée à la mauvaise perception du risque. Toutefois, certains bons résultats de port de gants reflètent ce sentiment de protection engendré. Cela est confirmé par des audits d’observation réalisés en France, où les gants ont été ôtés après le change du patient dans seulement 60 % des cas et dans 61,1 % des cas ont été retirés après la toilette (14,15).
Quelle que soit la catégorie professionnelle, l’utilisation de protections individuelles (gants, masques, surblouses, visières) reste insuffisante. Les déclarations du port du masque en cas d’infection respiratoire ont été très faibles, surtout pour les médecins et les infirmiers, avec un pourcentage ne dépassant pas 36,8 %. Notons aussi que le port de surblouse à usage unique a été peu cité en cas de risque de projection/d’aérosolisation de sang ou de produits d’origine humaine et de contact avec du sang Ceci peut être expliqué par la méconnaissance des indications de port de matériel de protection individuelle chez notre population ou bien par la non-disponibilité de ce matériel. Dans une autre étude menée auprès de 2086 professionnels de santé au Maroc, la mauvaise observance des moyens de protection semblaient dans la quasi-totalité des cas être liée aux mauvaises habitudes et au manque de moyens (16).
Les pratiques exemplaires de prévention des AES sont moyennement citées dans plusieurs situations. La pratique d’un lavage simple des mains suivi d’une friction avec une solution hydro-alcoolique a été déclarée par 65,0 % des participants et le rinçage abondant à l’eau ou au sérum physiologique en cas de projection de liquides biologiques sur les muqueuses a été cité par 65,4 %. Toutefois, il est préoccupant de constater que seulement 19,3 % des répondants déclarent l’absence de recapuchonnage de l’aiguille souillée à la main. Ces résultats sont inférieurs à ceux rapportés par une étude réalisée en Tunisie, où le recapuchonnage des aiguilles a été une pratique retrouvée chez seulement 58 % des participants (17). Ce dernier geste à risque a été cité dans plusieurs études comme étant responsable fréquemment des AES (18–20). L’introduction des collecteurs pour objets piquants et tranchants en milieu de soins a prouvé son efficacité dans la prévention des AES (17,21). L’utilisation de ce matériel est considérée comme premier matériel de sécurité mis en place dans le cadre des précautions universelles (17). Cependant, seulement 66,2 % des soignants ont recours à ces collecteurs pour l’élimination des aiguilles dans notre étude. Ces résultats s’expliquent par le fait que ces collecteurs sont perçus comme des objets qui contribuent uniquement au tri des déchets.
Plusieurs études similaires à la nôtre ont révélé les facteurs liés à la non-application des PS (22–25). Ces facteurs peuvent être associés à l’organisation des établissements de santé, aux ressources nécessaires pour la mise en œuvre des PS (26), comme ils peuvent être liés au manque d’hygiénistes selon une étude réalisée au nord de l’Inde (27). Au Pays de Galles, 63,3 % ont admis des jugements relatifs à la nationalité, au mode de vie ou à l'orientation sexuelle des patients sur le port des protections individuelles (28). D’autre part, Ferguson et al. en 2004 ont révélé que la non-disponibilité du matériel (7 %) et la non-efficacité de ce matériel (3 %) ont été des facteurs liés à la non-application des PS (29). D’après ces études, plusieurs facteurs favorisent la bonne ou la mauvaise maîtrise des PS chez les praticiens en milieu de soins, mais la formation reste un élément déterminant du respect de ces précautions.
Une des principales limites de cette étude est liée au choix de la méthodologie. En effet, ces auto-déclarations permettent d’évaluer les connaissances plus que les pratiques professionnelles et ceci ne traduit à aucun moment le comportement réel des participants (30). Sur plusieurs questions, les professionnels ont probablement répondu à des situations qu’ils n’avaient jamais rencontrées, telles la conduite à tenir en cas d’AES. Dans d’autres cas, plusieurs professionnels ont répondu à des actes qui ne les concernaient pas à priori du fait de leur poste ou de leur profession. De même, il faut noter que l’objectivité des réponses à un auto-questionnaire peut toujours faire l’objet d’une discussion et l’auto-évaluation comme démarche peut entraîner un biais de réponses (26,31). Les résultats de certaines catégories professionnelles comme les infirmiers et les médecins sont particulièrement bons dans certaines situations : s’agit-il vraiment de pratiques déclarées, ou bien une tendance à démontrer peut être à tort leurs bonnes connaissances vis-à-vis des PS ?
Malgré ces limites, la présente étude reste la première de son genre qui s’effectue au niveau du CHU Hassan II de Fès. Cette enquête était certainement un outil pédagogique qui a permis la sensibilisation de l’ambiance hospitalière et constitue une référence pour améliorer les connaissances et les attitudes pratiques des soignants vis-à-vis des PS.
Conclusion
Les résultats de cette étude montrent que les connaissances des soignants vis-à-vis des précautions standard au niveau du CHU Hassan II restent insuffisantes. Un programme de formation et de sensibilisation des praticiens doit être envisagé afin de renforcer ces pratiques qui ont prouvé leur efficacité dans les programmes et les stratégies de prévention du risque infectieux.
Financement : aucun.
Conflit d'intérêt : aucun.
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