Eastern Mediterranean Health Journal | All issues | Volume 18, 2012 | Volume 18, issue 6 | La néphropathie non diabétique chez les patients diabétiques de type 2 à l’hôpital militaire Mohammed V de Rabat (Maroc)

La néphropathie non diabétique chez les patients diabétiques de type 2 à l’hôpital militaire Mohammed V de Rabat (Maroc)

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Research article

Y. Zajjari,1 M. Benyahia,1 D. Montasser Ibrahim,1 J. Kassouati,2 O. Maoujoud,1 F. El Guendouz 3 et Z. Oualim 1

الاعتلال الكلوي غير السكري في المرضى السكّريين من النمط الثاني في مستشفى محمد الخامس العسكري في الرباط في المغرب

ياسر زاجاري، محمد بن يحيى، دينا منتصر إبراهيم، جلال قسوتي، عمر موجود، فيصل جندوز، زهير واليم

الخلاصة: ليس التمييز بين آفات اعتلال الكلية السكري بين الآفات الكلوية اللاسكرّية واضحاً على الدوام، ولذلك يعتمد التشخيص على الخزعة الكلوية. وقد قيَّمَت هذه الدراسة معدّلات انتشار مرض الكلية غير السكري والـمُنْبئات به لدى المرضى السكّريين من النمط الثاني. وقد أجريَت الدراسة بين شهري كانون الثاني/يناير 2008 وتشرين الأول/أكتوبر 2010 في قسم طب الكُلَى في المستشفى العسكري في الرباط. وضمَّت الدراسة ستة عشر مريضاً بالنمط الثاني من السكّري ممّن استدعت بعض الدواعي إجراء خزعة من الكلية فيهم. وقد وُجد في ستة من المرضى (%37.5) مرض كلوي غير سكري؛ وكان اعتلال الكلية بالفلوبولين المناعي A Ig هو الأكثر تواتُراً في أمراض الكلية غير السكرية (نصف الأمراض الكلوية غير السكرية). وكان فرط ضغط الدم أقل تواتُراً في فئة المرض الكلوي اللاسكّري (%16.7 مقابل %80.0) (P = 0.024 )، وكانت مدة السكري أقصر (4.5 سنة مقابل 15.5 سنة (P = 0.022)، وكان اعتلال الشبكية السكري غير موجود %100.0 في اعتلال الكلية اللاسكري مقابل %40 في اعتلال الكلية السكري، (P = 0.026). لم يشاهد اختلاف يُعْتَدُّ به إحصائياً بين الفئتين في ما يتعلق بالعمر، والجنس، ومستوى الكرياتينين، والبيلة البروتينية لمدة 24 ساعة، والمتلازمة الكُلاَئية، والبيلة الدموية المجهرية.

RÉSUMÉ La distinction entre les lésions de néphropathie diabétique et les lésions de néphropathie non diabétique n’est pas toujours évidente ; elle est basée souvent sur la ponction-biopsie rénale. Cette étude a évalué la prévalence et les facteurs prédictifs de la néphropathie non diabétique chez le diabétique de type 2. L’étude, réalisée entre janvier 2008 et octobre 2010 au service de néphrologie de l’hôpital militaire de Rabat, incluait 16 diabétiques de type 2 ayant bénéficié d’une ponction-biopsie rénale. La néphropathie non diabétique a été observée chez 6 patients (37,5 %) ; la néphropathie à IgA était la plus fréquente (50 % des néphropathies non diabétiques). L’hypertension artérielle était significativement moins fréquente dans le groupe de la néphropathie non diabétique que dans le groupe de la néphropathie diabétique (16,7 % contre 80,0 % ; p = 0,024), la durée du diabète était plus courte (4,5 contre 15,5 ans ; p = 0,022) et la rétinopathie diabétique absente (100 % contre 40 % ; p = 0,026). Il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes en ce qui concerne l’âge, le sexe, la créatininémie, la protéinurie des 24 h, le syndrome néphrotique et l’hématurie microscopique.

Non-diabetic renal disease in type II diabetes mellitus patients in Mohammed V military hospital, Rabat, Morocco

ABSTRACT The distinction between diabetic nephropathy lesions and non-diabetic renal lesions is not always obvious and is often based on renal biopsy. This study evaluated the prevalence and predictors of non-diabetic renal disease in people with type 2 diabetes. The study was conducted between January 2008 and October 2010 in the nephrology department of the military hospital in Rabat. The study included 16 patients with type 2 diabetes in whom renal biopsy was indicated. Non-diabetic renal disease was found in 6 of the patients (37.5%); IgA nephropathy was the most frequent non-diabetic renal disease (half of non-diabetic renal diseases). Hypertension was significantly less frequent in the non-diabetic renal disease group than the diabetic nephropathy group (16.7% versus 80.0%, P = 0024), duration of diabetes was a shorter (4.5 versus 15.5 years, P = 0.022) and diabetic retinopathy was absent (100% versus 40%, P = 0.026). There were no statistically significant differences between the 2 groups in relation to age, sex, creatinine level, 24-hour proteinuria, nephrotic syndrome and microscopic haematuria.

1Service de Néphrologie, Dialyse et Transplantation rénale ; 2Service d’Endocrinologie, Hôpital militaire d'instruction Mohammed V, Rabat (Maroc).

3Laboratoire de Biostatistique, de Recherche Clinique et d’Épidémiologie, Faculté de Médecine et de Pharmacie, Rabat (Maroc).

(Correspondance à adresser à Y. Zajjari  : This e-mail address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it )

Reçu : 18/12/11 ; accepté : 26/01/12

EMHJ, 2012, 18(6): 620-623


Introduction

La néphropathie diabétique (ND) est la première cause d’insuffisance rénale chronique terminale dans le monde [1] ; elle complique le diabète dans 40 % des cas avec une ancienneté de diabète de plus de 20 ans [2,3]. Généralement, le diagnostic de la ND est aisé si le diabète est ancien, en présence de complications dégénératives et lorsque l’évolution est marquée par une protéinurie précédant l’insuffisance rénale.

Si cette démarche est validée chez le diabétique de type 1, elle est discutée chez le diabétique de type 2 [4]. L’absence de neuropathie et de rétinopathie diabétique (RD) en présence de signes de néphropathie doit faire suspecter une néphropathie non diabétique (NND) [5], de même qu’une détérioration rapide de la fonction rénale ainsi que la présence d’une hématurie macro- ou microscopique [6]. La ponction-biopsie rénale (PBR) n’est habituellement indiquée chez le diabétique de type 2 que si une NND est suspectée. Le but de l’étude était d’évaluer la prévalence de la NND et les facteurs associés chez le diabétique de type 2.

Méthodes

Il s’agit d’une étude rétrospective réalisée entre janvier 2008 et octobre 2010 au service de néphrologie de l’hôpital militaire de Rabat, incluant les PBR effectuées chez les patients ayant un diabète de type 2, selon la définition de l’Organisation mondiale de la Santé, chez lesquels le diagnostic de NND était suspecté.

La PBR était réalisée par voie percutanée après consentement éclairé des patients, en utilisant un dispositif semi-automatique armé par une aiguille à usage unique (16 Gauge). L’étude histologique était réalisée par microscopie optique et par immunofluorescence aux antisérums IgG, IgA, IgM, C3, C4, C1q et fibrinogène, et dans certains cas aux antisérums des chaînes légères Kappa et Lambda par le même anatomo-pathologiste. Nous avons recueilli des paramètres démographiques, cliniques et biologiques.

L’étude statistique a été réalisée par un logiciel SPSS 13.0. Les variables quantitatives étaient exprimées en médianes et les variables qualitatives en pourcentages. La comparaison des variables quantitatives était réalisée par le test non paramétrique de Mann-Whitney et la comparaison des variables qualitatives était réalisée par le test exact de Fischer. Une valeur de p < 0,05 était retenue comme statistiquement significative.

Résultats

Durant la période d’étude, 16 PBR ont été réalisées chez 15 patients par voie percutanée et dans un cas sur pièce de néphrectomie pour tumeur rénale ; 81,3 % étaient des patients de sexe masculin ayant un diabète de type 2, évoluant depuis plus de 6,5 ans chez la moitié. La médiane d’âge était de 60 ans (extrêmes 47-79 ans). Neuf patients (56,3 %) étaient hypertendus, 10 patients (62,5 %) n’avaient pas de RD. La médiane de la protéinurie de 24 heures était de 4,75 g/j (extrêmes 0,7-13 g/j). Onze patients (68,8 %) étaient néphrotiques et 10 (62,5 %) avaient une hématurie microscopique. La médiane de créatininémie était de 45 mg/L (Tableau 1).

Les indications de la PBR étaient un syndrome néphrotique associé à un diabète récent (durée de moins de cinq ans) chez quatre patients, une insuffisance rénale rapidement progressive associée à une hématurie microscopique chez trois patients, une insuffisance rénale aiguë associée à des signes extrarénaux (cutanés, digestifs et articulaires) chez deux patients, une insuffisance rénale associée à des anomalies biologiques chez six patients (quatre cas de dysglobulinémies, un cas d’hépatite virale chronique B, un cas d’hypocomplémentémie C3), et une insuffisance rénale associée à un oncocytome rénal chez un seul patient.

Sur les 16 patients diabétiques biopsiés, six patients présentaient des lésions de NND. Il s’agissait de trois cas de néphropathie à IgA (deux cas de purpura rhumatoïde et un cas de maladie de Berger), d’un cas de néphropathie à lésions glomérulaires minimes (LGM), d’un cas de glomérulopathie extramembraneuse (GEM) et d’un cas de tubulopathie myélomateuse.

L’ancienneté du diabète était plus marquée dans le groupe ND en comparaison avec le groupe NND (15,5 contre 4,5 ans ; p = 0,022). L’hypertension artérielle était moins fréquente dans le groupe NND (16,7 % contre 80,0 % ; p = 0,024). La RD était absente chez tous les patients du groupe NND et chez 40 % des patients du groupe ND (p = 0,026). Il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes concernant l’âge, le sexe, la créatininémie, la protéinurie de 24 heures, le syndrome néphrotique et l’hématurie microscopique (Tableau 2).

Discussion

Dans ce travail, la PBR était réalisée chez 16 patients diabétiques de type 2, dans un contexte de suspicion de NND expliquant en partie le faible échantillon de notre série. Les critères de suspicion de NND chez le diabétique de type 1 sont : l’hématurie microscopique, l’absence de RD, l’insuffisance rénale d’évolution rapide ou la présence d’anomalies immunologiques. Cependant ces critères ne sont pas validés chez le diabétique de type 2 [3].

Dans les séries de biopsies rénales chez le diabétique de type 2, la prévalence de la NND varie de 10 à 85 % [4,7-10] ; cette différence dépend des critères d’indication de la PBR et de la population étudiée [11]. Dans notre étude, la prévalence de la NND était de 37,5 %. Les néphropathies à IgA étaient les étiologies les plus fréquentes des NND (50 % des cas). Dans la série de Zhou et al., la néphropathie à IgA (34 %) et les GEM (22 %) étaient les étiologies les plus fréquentes de NND [12].

La ND est une complication chronique du diabète ; elle se manifeste cliniquement 5 à 10 ans après la découverte du diabète. Ainsi, une courte durée d’évolution du diabète en présence d’anomalies rénales oriente vers une NND [12]. Dans la série de Choi, les NND étaient associées à une courte durée du diabète [4]. Dans notre série, le diabète était d’ancienneté plus courte dans le groupe NND avec une médiane de 4,5 ans contre 15,5 ans dans le groupe ND (p = 0,022).

La RD est une complication microvasculaire du diabète de pathogénie similaire à la ND [12]. Chez le diabétique de type 1, elles coexistent habituellement selon plusieurs auteurs [13,14]. Selon Parving, tous les diabétiques de type 2 ayant une protéinurie avec une RD ont une ND ; cependant, en l’absence de RD avec une protéinurie, 50 % des patients avaient une ND [15]. Dans la série de Zhou et al., 90 % des diabétiques de type 2 avec RD avaient une ND et 76 % des diabétiques de type 2 sans RD avaient une NND, ce qui suggère que la présence de la RD est un marqueur de ND et que son absence est un facteur prédictif de NND [12]. Dans notre série, tous les patients ayant une RD avaient une ND et 60 % des patients sans RD avaient une NND.

L’hypertension artérielle est une expression fréquente des néphropathies ; cependant, elle est plus fréquente chez le diabétique. Cela s’explique par la rétention hydrosodée, l’activation du système rénine angiotensine, la stimulation du système sympathique et le dysfonctionnement endothélial plus fréquent chez cette population [12]. Dans la série de Zhou et al., l’hypertension artérielle était plus fréquente et plus sévère dans le groupe ND [12] ; dans notre série, le groupe NND avait moins d’hypertension artérielle (16,7 % contre 80 % ; p = 0024).

L’hématurie est une manifestation inhabituelle de la ND. Elle est l’expression de plusieurs NND, notamment les néphropathies à IgA. Dans l’étude de Wong, l’association de la protéinurie ou de l’hématurie à l’absence de RD orientait vers une NND avec une valeur prédictive positive de 94 % [16]. Dans notre série, l’hématurie était présente chez 83,3 % des patients du groupe NND et 50 % des patients du groupe ND. Cependant, il n’y avait pas de différence statistiquement significative (p = 0,215). Cela peut être expliqué en partie par le faible échantillon de notre série en l’absence d’indication systématique de PBR chez le diabétique de type 2.

Conclusion

Bien que de nombreux indicateurs puissent orienter vers le diagnostic de NND chez le diabétique de type 2, l’étude histologique du parenchyme rénal reste le moyen diagnostique le plus sûr pour la prise en charge et le pronostic de ces patients. Toutefois, le risque de complications hémorragiques encourus lors de la PBR doit limiter ces indications systématiques. L’échantillon faible de notre série rend nécessaire des études plus larges.

Références

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