Eastern Mediterranean Health Journal | All issues | Volume 28 2022 | Volume 28 issue 7 | État des lieux des troubles mentaux et de leur prise en charge en Algérie

État des lieux des troubles mentaux et de leur prise en charge en Algérie

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Mohamed el Moncef Seridi1 et Brahim Belaadi2

1Université 8 mai 1945, Guelma (Algérie). 2Université Al Ain, Abu Dhabi (Émirats arabes unis) (Correspondance à adresser à Brahim Belaadi : This e-mail address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it ).

Résumé

Contexte : L'Algérie a engagé plusieurs actions et consacré diverses ressources afin d'améliorer les services de santé mentale en matière de prévention et de prise en charge des troubles mentaux. En effet, l'accroissement des troubles mentaux et de la demande de soins font de la santé mentale un enjeu majeur de société.

Objectifs : Présenter un état des lieux des troubles mentaux en Algérie ; décrire l'état des structures et des ressources en santé mentale, ainsi que l'état actuel de la psychiatrie comme principal dispositif de traitement et d'accompagnement.

Méthodes : Nous avons réalisé une analyse descriptive des données issues de rapports et d'enquêtes nationales sur l'état de santé des Algériens, ainsi que de celles obtenues des différents recensements de la population ou des statistiques hospitalières.

Résultats : Les quelques enquêtes qui ont été réalisées jusqu'à ce jour ont toutes mis en évidence l'accroissement de la prévalence des troubles mentaux et de la demande de soins en santé mentale. Cependant, la prise en charge des troubles mentaux et l'offre de soins restent insuffisantes et inégalement réparties au niveau des structures d'accueil, des ressources humaines et, surtout, de la législation.

Conclusion : La présente analyse a montré que malgré les efforts consentis en matière de structures, de ressources et de législation, la santé mentale en Algérie méritait d'être davantage prise en considération dans les politiques publiques de santé.

Mots-clés : santé mentale, trouble mental, psychiatrie, prise en charge, Algérie

Citation : Mohamed el Moncef Seridi ; Brahim Belaadi. État des lieux des troubles mentaux et de leur prise en charge en Algérie. East Mediterr Health J. 2022;28(7):532–538 https://doi.org/10.26719/emhj.22.054
Reçu : 19/05/21 ; accepté : 09/05/22

© Organisation mondiale de la Santé (OMS) 2022. Accès libre. Certains droits réservés. Ce document est disponible sous la licence CC BY-NC-SA 3.0 IGO.  (https://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/igo)


Introduction

Les troubles mentaux n'ont jamais été considérés comme une priorité de santé publique dans les pays en développement confrontés à d'autres urgences sanitaires telles que les maladies épidémiques, la protection maternelle et infantile ou la malnutrition (1). Pourtant, leur prévalence et les conséquences économiques et sociales qu'ils entraînent ne sont plus sujets à controverse dans tous les pays du monde.

Dans son rapport sur la santé mentale de 2004, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) estimait que les troubles mentaux touchaient environ 450 millions de personnes dans le monde (2). Plus d'une personne sur quatre serait affectée par un trouble mental durant sa vie. Lamboy rappelait aussi que plus de 25 % des individus présenteraient un ou plusieurs troubles mentaux ou de comportement au cours de leur vie (3). On estime également que l'importance des troubles mentaux s'accentuera dans les décennies à venir et que, d'ici à 2020, ces troubles seront vraisemblablement responsables de 15 % du nombre d'années de vie ajustées sur l'incapacité perdues pour cause de maladie. Dans les pays en développement, les troubles mentaux risquent d'augmenter de façon considérable. Les pays en développement dont les systèmes de soins de santé mentale ne sont guère développés devraient connaître l'accroissement le plus important de la morbidité imputable aux troubles mentaux, et la charge due à ces troubles s'alourdira de façon disproportionnée dans les décennies qui viennent  (4).

L'augmentation de la fréquence des troubles mentaux en Algérie et l'amélioration souhaitable de l'offre de soins et de la prise en charge, ainsi que la prévention de toute souffrance psychique et la promotion du bien-être mental constituent les principaux enjeux auxquels est confronté aujourd'hui le domaine complexe de la santé mentale. En plus de la difficulté liée à la définition du concept de trouble mental et à son identification, celui-ci demeure une construction sociale en relation étroite avec les logiques des acteurs sociaux qui participent à sa définition et à son identification (5). Il est tout à fait vrai que la prévalence des troubles mentaux et les problèmes de santé mentale sont très difficiles à évaluer en Algérie, et varient sensiblement d'une étude/enquête à une autre. Cependant, quelques rapports sur la santé des Algériens font état d'une situation alarmante et très inquiétante, et les spécialistes ainsi que les professionnels de santé sont unanimes : la santé mentale des Algériens « se porte mal ».

Depuis quelques années, l'Algérie a engagé plusieurs actions et a consacré diverses ressources afin d'améliorer les services de santé mentale en matière de prévention et de prise en charge, ainsi qu'en matière de droit. En effet, l'accroissement des troubles mentaux et de la demande de soins font de la santé mentale un enjeu majeur de société, enjeu qui s'impose, dans toute sa complexité, aux différents acteurs des champs de la santé, du social et du politique.

Dans cet article, nous présentons un état des lieux des troubles mentaux en Algérie et décrivons l'état des structures et des ressources en santé mentale, les modalités de prise en charge ainsi que l'état actuel de la psychiatrie comme principal dispositif de traitement et d'accompagnement. Nous montrons l'importance de la problématique de la santé mentale dans le contexte algérien et mettons en évidence le caractère préoccupant de l'accroissement de la prévalence des troubles mentaux, sujet insuffisamment traité dans le pays.

Méthodes

Nous avons réalisé une analyse descriptive des données issues de rapports et d'enquêtes nationales sur l'état de santé des Algériens, ainsi que de celles obtenues à partir des différents recensements de la population ou des statistiques hospitalières.

Résultats

Prévalence et impact des troubles mentaux 

État de la situation en Algérie

Il est très difficile d'avoir des chiffres sur l'état de la santé mentale en Algérie. De fait, on dispose de très peu de données, qui restent peu fiables, sur la prévalence des troubles mentaux en population générale, et qui sont issues de quelques enquêtes nationales ou bien sont obtenues à partir des différents recensements de la population ou des statistiques hospitalières. En effet, les quelques enquêtes, à caractère local ou régional, ont été menées essentiellement par des psychiatres. Ces enquêtes ont porté sur des échantillons spécifiques et se sont centrées sur des sujets divers tels que la dépression, le suicide, la psychose et les troubles anxieux (6).

Si l'on se réfère à l'enquête nationale de santé qui a eu lieu au début des années 1990 (7), les maladies mentales se retrouvent parmi les dix premières affections chroniques mentionnées par la population. Elles représentaient près de 7 % de l'ensemble des maladies chroniques. Le recensement général de la population et de l'habitat en 1998 montrait que 140 000 personnes présentaient une affection mentale entraînant un handicap, parmi lesquelles on dénombrait 20 000 enfants. L'enquête PAPFAM,1 menée à la fin de l'année 2002 dans le but d'évaluer la prévalence des maladies mentales dans la population selon l'âge, le sexe et le milieu de résidence, a confirmé les chiffres concernant le handicap mental, obtenus lors du recensement général de la population, et a montré que les maladies mentales touchaient 0,5 % de la population (7) (Tableau 1).

Selon le rapport de 2003 du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière portant sur la perspective décennale (8), cette enquête révélait déjà l'ampleur du problème de la santé mentale en Algérie avec 155 000 personnes souffrant de maladie mentale et 62 000 d'épilepsie, et indiquait qu'il faudrait s'attendre à devoir prendre en charge au minimum 174 000 sujets présentant une affection au long cours touchant la santé mentale. Les statistiques hospitalières montrent quant à elles que 150 000 consultations de psychiatrie sont assurées annuellement par les établissements hospitaliers spécialisés en psychiatrie. Les troubles mentaux représentent environ 1,5 % des motifs de consultation dans les structures sanitaires en général (9).

Selon une enquête de l'Institut National de Santé Publique (INSP) sur la transition épidémiologique et le système de santé en 2007, les maladies mentales se retrouvent dans des proportions non négligeables par rapport à d'autres maladies chroniques et représentent

5,44 % (10). Elles occupent le sixième rang parmi les pathologies les plus fréquentes en Algérie (Figure 1). D'autres études et enquêtes à caractère régional ou local concernant la psychiatrie et la santé mentale ont été menées, à l'image de l'enquête réalisée à l'hôpital Errazi de Annaba sur les patients hospitalisés pour la première fois durant la période 1986-1987 (7). Selon cette enquête, les psychoses constituaient la majorité des causes d'hospitalisation avec un taux de 67,23 %. Les troubles névrotiques et les états réactionnels venaient en seconde position avec un taux de 15,7 %, suivis par les troubles de la personnalité, essentiellement les troubles psychopathiques avec 4,8 %. Parmi les psychoses, la schizophrénie représentait 68,8 % de la population étudiée. Une étude épidémi­ologique des urgences psychiatriques faite en 1998, toujours dans la région d'Annaba, a montré que sur les 709 sujets examinés, dont 34,6 % consultaient pour la première fois et 65 % étaient d'anciens patients, 15,8 % présentaient des troubles névrotiques, 8,7 % des psychoses aiguës, 47,3 % des psychoses chroniques,

2,3 % des états démentiels et 2,5 % des états d'arriération mentale (7). Pour ce qui est des motifs de consultation, l'agitation psychiatrique concernait 51,1 % des cas. Une étude de population générale effectuée à Alger en 2003 a montré que la prévalence des troubles anxieux atteignait 43 %, dont 13 % se présentaient comme un trouble de stress post-traumatique (6).

Il est vrai qu'il n'y a pas eu d'études épidémiologiques de grande envergure en Algérie, et les quelques enquêtes qui ont été faites ne donnent ni une estimation exacte ni une idée réelle de la prévalence et de l'impact des troubles mentaux et des problèmes de santé mentale dans la population générale. Cependant, les données et les résultats de ces études, aussi éparses et dispersées soient-elles, permettent de constater que l'état de santé mentale des Algériens s'est sensiblement dégradé, que les maladies affectant la santé mentale verront probablement leur incidence augmenter et que la situation appelle à un renforcement de la réponse médicale, sociale et politique.

L'offre de soins en matière de santé mentale 

Sur le plan de l'offre de soins en santé mentale, le secteur de la santé dispose de trois types d'infrastructures : les structures hospitalières, celles de proximité et celles de prévention et de lutte contre les addictions.

Une offre de soins importante mais qui reste insuffisante

En matière de structures d'accueil et de prise en charge, selon le Plan National de Promotion de la Santé Mentale 2017-2020 (11), le pays est doté actuellement, en ce qui concerne les structures hospitalières, de 19 établis­sements hospitaliers spécialisés (EHS) psychiatriques, de 27 services de psychiatrie en établissement public hospitalier (EPH – en Algérie, hôpital général) et de six services de psychiatrie en CHU (centre hospitalier universitaire) (Tableau 2). Dix autres établissements spécialisés en psychiatrie (hôpitaux psychiatriques), d'une capacité d'hospitalisation allant de 30 à 120 lits, sont achevés mais non fonctionnels, ou en cours de réalisation. Ces structures totalisent 5299 lits au niveau national, avec un ratio de 13,1 lits pour 100 000 habitants. Rappelons que peu d'hôpitaux psychiatriques ont été construits depuis l'indépendance. Le nombre de lits en soins psychiatriques est passé de 6000 en 1962 à près de 5000 lits en 2005, alors même que la population a quadruplé, comme le souligne Benmebarek (6). Ce recul pourrait s'expliquer par le désintérêt et la marginalisation des questions relatives à la santé mentale et à la psychiatrie dans les politiques publiques en matière de santé. En ce qui concerne les structures de proximité, il y a 161 centres intermédiaires de santé mentale (CISM) sur les 188 prévus par le Programme National de Santé Mentale (9). Quant aux structures de prévention et de lutte contre les addictions, 42 centres intermédiaires de soins en addictologie (CISA) sont fonctionnels (12) sur les 53 prévus par le même programme. Il existe également deux centres de cure de désintoxication qui sont fonctionnels et il y en a trois autres prévus selon le Plan National de Promotion de la Santé Mentale (deux sont achevés mais pas encore fonctionnels et un est en cours de réalisation).

Sur le plan des ressources humaines ou de la démographie professionnelle, le nombre de psychiatres en Algérie atteint aujourd'hui 898, dont 270 dans le secteur privé, alors qu'ils étaient seulement trois durant les premières années de l'indépendance à assurer l'assistance psychiatrique de la population avec d'autres psychiatres étrangers. On dénombre également, pour l'année 2016, 150 médecins généralistes affectés aux structures dédiées à la santé mentale, 1368 psychologues (1172 cliniciens et 196 orthophonistes), 2128 infirmiers et 95 ergothérapeutes (11). Cette offre de soins, malgré son importance et les avancées réalisées, reste en deçà des standards internationaux, et la capacité litière actuelle ainsi que l'offre de soins en termes de ressources humaines ne peuvent répondre à une demande de soins qui augmente de plus en plus.

Une offre de soins inégale et déséquilibrée

Une analyse de la couverture sanitaire et de l'offre de soins en matière de structures dans les trois régions du pays (Nord, Hauts Plateaux et Sud) nous permet d'avoir une idée des différentes disparités (Figure 2).

C'est la région du Nord qui possède le plus grand nombre de services et d'établissements spécialisés en psychiatrie, avec six services en CHU (trois au Nord-Centre et trois au Nord-Ouest) et 13 EHS sur les 19 que possède le pays, et qui délivre des soins de haut niveau ; l'offre de soins existe au niveau de référence et au niveau périphérique également, avec une moyenne de 16,7 lits pour 100 000 habitants, ce qui est supérieur à la moyenne nationale de 13,1 lits (11). Le terme « périphérique » fait référence à l'un des niveaux de l'organisation hiérarchique du système de soins en Algérie qui est subdivisé en trois niveaux : le niveau de référence en haut de la pyramide (CHU, EHS), le niveau intermédiaire (EPH)et le niveau périphérique (centres de soins, polycliniques, établissements publics de santé de proximité – EPSP, etc., qui ne sont pas forcément loin des zones urbaines centrales, ou à la périphérie urbaine).

Au niveau des Hauts Plateaux, plus de la moitié des wilayas (départements) de cette région ne possèdent pas d'EHS spécialisés (seulement six wilayas sur 14 en disposent), mais procurent des soins au niveau périphérique, avec une moyenne d'offre de soins de 10,1 lits pour 100 000 habitants. Or on observe une variabilité entre les wilayas et des disparités dans la même région : par exemple, dans la partie Hauts Plateaux-Centre composée des wilayas de Djelfa et de Bordj Bou Arreridj, l'offre de soins est d'un lit seulement pour 100 000 habitants.

La situation au sud du pays est beaucoup plus compliquée, et l'offre de soins est très réduite. Elle existe seulement au niveau périphérique dans les hôpitaux généraux (EPH) des neuf wilayas sur les 12 qui composent cette région. L'offre de soins au niveau de référence  (CHU, EHS) est quasi inexistante. Trois wilayas de cette région (Illizi, El Oued et Ghardaïa) dans la partie Sud-Est sont dépourvues de toute structure psychiatrique, et la moyenne de l'offre est de seulement 4,2 lits pour

100 000 habitants. À cela s'ajoutent les grandes distances à parcourir pour accéder aux structures de soins (11).

Limites de l'assistance psychiatrique actuelle 

Persistance du modèle asilaire

Dans son article « Le droit et la maladie mentale », Ossoukine avance que « la réforme de la loi sanitaire en 1985 ne bouleversa pas fondamentalement l'ancienne loi française de 1838. Elle demeure une loi répressive, totalitaire et asilaire. Elle reprend dans sa philosophie l'ancienne théorie médico-légale qui ne cesse de considérer le malade mental comme source de danger » (13). Cet avis est partagé par Sider qui souligne que l'organisation des soins se résume à de simples mesures d'enfermement et que le seul défi de nos institutions, consiste à offrir un minimum de soins « sécuritaires » sans se pencher réellement sur les problématiques de prévention, de suivi et d'insertion du patient (14). En effet, le modèle asilaire reste la seule référence en matière de soins psychiatriques en Algérie malgré les efforts consentis et la volonté de passer de la psychiatrie à la santé mentale, ce qui, selon l'OMS, pérennise la stigmatisation, la marginalisation et l'exclusion des malades mentaux et entrave sérieusement les possibilités de leur intégration sociale.

Persistance de la cure d'urgence

Actuellement, en matière de réhabilitation, les structures qui permettent d'accompagner et de réinsérer des individus dans leur milieu naturel (familial, éducatif, professionnel, etc.) ainsi que d'assurer la post-cure sont méconnues, et souvent leurs missions se limitent à de simples consultations. Les établissements qui dispensent les soins en hospitalisation continuent eux aussi à fonctionner selon une logique essentiellement médicale et curative. Comme l'aura souligné le psychiatre Boudarene, « la prise en charge des malades mentaux, dans notre pays, est prise au piège dans l'ornière de la cure. L'offre d'accompagnement durant la “post-cure” est pratiquement inexistante » (14). En effet, la prise en charge des personnes en souffrance mentale en Algérie continue à être dominée par une approche médicale et axée sur les hôpitaux, centrée sur le curatif et la suppression des symptômes, en excluant à la fois la prévention, la réhabilitation psychosociale et l'intégration de cette population dans son milieu naturel.

Discussion

La prévalence des troubles mentaux et l'ampleur de leurs incidences sur l'individu, la famille et la société dans son ensemble font de la santé mentale un problème majeur de santé publique et une priorité des politiques publiques en matière de santé. Les quelques enquêtes qui ont été réalisées jusqu'à ce jour, en dépit de leur caractère épars et dispersé, ont toutes mis en évidence l'accroissement de la prévalence des troubles mentaux et de la demande de soins en santé mentale en Algérie. Il nous semble qu'un simple observateur avec un œil aiguisé et critique peut, à lui seul, faire le constat que l'état de santé des Algériens se dégrade et ne cesse de s'aggraver, comme en témoignent le retour des épidémies et la montée des pathologies chroniques. À cela s'ajoute l'état des infrastructures et des équipements disponibles. Que dire alors de l'état de la santé mentale qui demeure le parent pauvre du système de santé ? Face à ce constat et compte tenu du caractère préoccupant des troubles mentaux, notre brève analyse, aussi descriptive soit-elle et avec toutes ses limites, a bien montré que l'Algérie avait consacré, depuis quelques années, plusieurs ressources à l'amélioration de la couverture de la santé mentale et aux problèmes liés qui ne cessent de se développer, à l'instar de la dépression, des affections psychiatriques chroniques comme la schizophrénie, voire même des troubles du comportement liés à l'addiction. Cependant, leur prise en charge et l'offre de soins restent insuffisantes et inégalement réparties, tant au niveau des structures d'accueil qu'au niveau des ressources humaines et surtout au niveau de la législation.

Une nouvelle législation sur la santé mentale a été élaborée dans le cadre de la troisième loi de santé

n°18-11 du 2 juillet 2018, dans laquelle la section sur la santé mentale a été améliorée, mais les textes d'application pour l'ensemble des dispositifs de santé mentale n'ont pas été élaborés jusqu'à ce jour, comme l'a déjà souligné Kacha  (15). Un plan ambitieux pour la promotion de la santé mentale a également été mis en œuvre depuis l'année 2017, mais représentera-t-il vraiment une opportunité ? Et parviendra-t-il à parfaire et remodeler les services de soins en santé mentale, et à améliorer la prévention des troubles mentaux et leur prise en charge, ainsi que les aspects liés aux droits des malades ?

Conclusion

D'un point de vue sociologique, la santé mentale, comme le souligne Demailly, fait référence à l'existence d'un champ professionnel beaucoup plus large que celui de la psychiatrie, et cela signifie l'existence d'un champ de troubles dans lequel le mode d'appréhension du trouble dit « psychiatrique » se fond dans une approche de type santé publique (dépistage précoce, prévention, réflexion sur les besoins) (16). De ce point de vue, la promotion de la santé mentale et la prise en charge des troubles mentaux imposent un profond changement dans les pratiques et dans les mentalités. Ainsi, la question de la santé mentale ne doit pas relever de la seule responsabilité des services de santé, ou se confiner à un débat de spécialistes, mais doit être l'affaire de tous les acteurs dans le cadre d'une démarche pluridisciplinaire, globale et coordonnée.

La présente analyse a montré que malgré les efforts non négligeables consentis par l'Algérie et les acquis indéniables, que ce soit au niveau de la formation, des structures, des ressources humaines ou de la législation, le secteur de la santé mentale méritait d'être davantage pris en considération dans les politiques publiques de santé, qui ne doivent pas occulter les questions de suivi et d'intégration des malades mentaux dans leur milieu naturel.

Financements : aucun

Conflits d’intérêt : aucun

Inventory of the situation of mental disorders and their care in Algeria

Abstract

Background: Algeria has undertaken several actions and devoted various resources to improve mental health services in the prevention and management of mental disorders. Indeed, the increase in mental disorders and the demand for care make mental health a major social issue.

Aims: To present an inventory of the mental disorders in Algeria, describe the state of mental health structures and resources as well as the current state of psychiatry as the main device of treatment and support.

Methods: We carried out a descriptive analysis of the data generated from national surveys on the state of health of Algerians, as well as those obtained from various reports and censuses of the population and hospital statistics.

Results: The few surveys that have been carried out to date have all highlighted the increasing prevalence of mental disorders and the increased demand for mental health care. However, the coverage of mental disorders and the supply of care remain insufficient and unevenly distributed, at the level of reception structures, human resources and, above all, legislation.

Conclusion: This analysis showed that despite the efforts made in terms of structures, resources and legislation, mental health in Algeria deserves more attention in public health policies.

Keywords: mental health, mental disorder, psychiatry, care

وضع الاضطرابات العقلية والتدبير العلاجي لها في الجزائر

محمد المنصف سريدي، إبراهيم بلعادي

الخلاصة

الخلفية: لقد جعل العددُ المتزايد لحالات الاضطرابات النفسية والطلبُ على الرعاية قضيةَ الصحة النفسية قضيةً اجتماعيةً كبيرة. وفي السنوات الأخيرة، اتخذت الجزائر عدة إجراءات، وكرست موارد لتحسين الخدمات المقدمة للوقاية من الاضطرابات النفسية والتدبير العلاجي لها.

الأهداف: هدف هذا البحث الى دراسة حالة الاضطرابات النفسية في الجزائر وحالة موارد الصحة النفسية وخدمات الطب النفسي.

طرق البحث: أجرينا تحليلًا وصفيًّا للبيانات المستمدة من مسوحات وطنية عن الحالة الصحية للجزائريين، والبيانات المستمدة من مختلف التقارير وتعدادات السكان، وإحصاءات المستشفيات.

النتائج: أبرزت المسوحات القليلة التي أُجريت حتى اليوم تزايد معدل انتشار الاضطرابات النفسية، وزيادة الطلب على الرعاية الصحية النفسية في الجزائر. بيد أن تغطيتها وتوفير خدمات الرعاية لا يزالان غير كافيين وغير موزعين بالتساوي، على مستوى تقديم الخدمات، وعلى مستوى الموارد البشرية، ولا سيما من حيث التشريعات.

الاستنتاجات: يُظهر هذا التحليل أنه على الرغم من الجهود المبذولة لتحسين الهياكل وتوفير الموارد والتشريعات، تستحق الصحة النفسية في الجزائر أن تحظى بمزيدٍ من الاهتمام في سياسات الصحة العامة.

Références

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