15 octobre 2025
Excellences Ministres de la Santé et Chefs de délégations,
Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs,
Je vous souhaite à toutes et à tous la bienvenue,
et vous remercie pour votre participation à la soixante-douzième session du Comité régional – la plus haute instance de prise de décision de l'OMS dans la Région de la Méditerranée orientale.
Comme chaque année, nous sommes réunis pour orienter les engagements politiques qui permettent d’améliorer la santé des 750 millions d'habitants de notre Région.
Mais cette année est différente.
Nous nous réunissons dans un contexte d’incertitude profonde, tant pour notre Région que pour la santé au niveau mondial.
Guerres, catastrophes, déplacements de population et déclin de l’aide internationale – les tragédies s’accumulent les unes après les autres.
Nous avons toutes et tous pris connaissance des rapports et des situations qui y sont présentées.
Des personnes affamées tuées alors qu'elles tentent de se procurer de la nourriture.
Des femmes qui accouchent dans des conditions précaires et indignes.
Des enfants laissés sans protection, privés de vaccins.
Des pénuries de médicaments, des hôpitaux submergés et des infections qui prolifèrent.
Non seulement nous échouons à garantir la santé pour tous, mais la santé est elle-même prise pour cible.
Deux tiers de toutes les attaques perpétrées contre les services de santé dans le monde l'année dernière se sont produites dans notre Région.
Les hôpitaux, autrefois des refuges, deviennent aujourd’hui des lieux de mort.
Si nous ne changeons pas de cap, l’histoire retiendra ces années comme une période sombre.
Pourtant, parmi nous – ici même, dans cette salle – se trouvent celles et ceux qui continuent de croire en la mission de cette Organisation.
Qui croient encore au droit à la santé pour tous.
Et nous sommes nombreux.
Alors, je m’adresse aux agents dans les communautés, qui interviennent en première ligne de l’éradication de la poliomyélite, jusque dans les régions les plus reculées du Pakistan et de l’Afghanistan.
Aux médecins soudanais qui, dans la ville d’El Fasher, risquent chaque jour leur vie pour prodiguer des soins d’urgence.
Et à celles et ceux qui, en Iraq, protègent les précieuses régions marécageuses contre les chocs climatiques.
À ces personnes, je dis :
nous sommes à vos côtés. Nous vous soutenons. Et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour vous permettre de poursuivre votre mission.
Et à vous, Excellences, voici ce que je voudrais vous dire :
Votre leadership a rendu possible l’Accord historique de l’OMS sur les pandémies,
ainsi que l’augmentation de 20 % des contributions fixées pour deux exercices biennaux consécutifs.
Les contributions généreuses de vos pays – l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït et le Qatar – en faveur de l’éradication de la poliomyélite témoignent de la détermination de notre Région à concrétiser l’un des plus grands jalons de l’histoire de la santé publique.
Mais la solidarité régionale ne se limite pas à la lutte contre la poliomyélite. Les contributions volontaires des États Membres de notre Région au programme de gestion des situations d’urgence se sont élevées à 87,5 millions de dollars US en 2024.
Alors oui, nous sommes en crise, mais le multilatéralisme, lui, résiste et perdure.
Excellences,
Notre Région a su répondre à l’appel de ce moment déterminant, en mettant en œuvre le Plan opérationnel stratégique régional et les trois Initiatives phares que vous avez approuvées l’an dernier.
Aujourd’hui, je vous présenterai un aperçu de nos progrès.
Je vous invite à lire mon rapport annuel pour en avoir une vue d’ensemble.
Je commencerai par la poliomyélite.
Les détections de poliovirus sauvages sont en recul en Afghanistan et au Pakistan.
Par ailleurs, des flambées de poliovirus dérivés d’une souche vaccinale ont été endiguées à Gaza et en Égypte.
L’engagement politique reste ferme.
Grâce au soutien des États Membres et de nos partenaires mondiaux, l’éradication est désormais à notre portée.
Le leadership du Sous-comité régional pour l’éradication de la poliomyélite et les flambées épidémiques a été déterminant pour accompagner ces efforts.
Les restrictions d’accès demeurent l’obstacle majeur à l’éradication de cette maladie dans notre Région.
Au-delà de la poliomyélite, les pays ont réalisé des progrès importants dans la lutte contre d’autres maladies transmissibles.
À l'échelle de la Région, 85 % des enfants ont accès aux services de vaccination systématique.
Plus de 30 millions de traitements ont été administrés contre les maladies tropicales négligées.
Et le Soudan est devenu le premier pays de notre Région à introduire le vaccin antipaludique.
L’Égypte a réussi à maîtriser l’hépatite B, a obtenu la certification d’élimination du paludisme et, aux côtés de Bahreïn, de la République islamique d’Iran et d’Oman, a éliminé la rougeole et la rubéole.
La Jordanie est devenue le premier pays au monde où l’élimination de la lèpre a été vérifiée.
Par ailleurs, le Pakistan a lancé un programme d’élimination de l’hépatite C, et a été certifié exempt de trachome.
Au total, 16 pays ont atteint les cibles d'élimination pour au moins deux maladies. Il s’agit d’une réalisation remarquable et nous nous réjouissons de franchir ensemble la dernière étape du processus de certification de l’OMS.
Des progrès ont également été réalisés dans le domaine des maladies non transmissibles et de la santé mentale.
L’Arabie saoudite et Oman ont été certifiés pour l’élimination des acides gras trans en tant que substances nocives, tandis que 14 pays ont adopté des politiques conformes aux meilleures pratiques dans le domaine des maladies non transmissibles.
La lutte antitabac a été renforcée avec l’adoption du conditionnement neutre à Oman et en Arabie saoudite, des mises en garde illustrées en Tunisie et en Iraq, l’interdiction totale de la publicité et du parrainage au Maroc, ainsi qu’avec une augmentation des taxes dans six pays.
Les services de santé mentale ont été élargis dans 14 pays, et sont de plus en plus intégrés aux soins de santé primaires.
En outre, des services de santé mentale et de soutien psychosocial ont été fournis dans le cadre des interventions d’urgence menées en Afghanistan, au Liban, en Palestine, en Somalie, en République arabe syrienne, et au Soudan.
Plus de 150 villes surveillent désormais la qualité de l’air, tandis que sept pays intègrent la santé dans leur planification nationale en matière de changements climatiques.
Les pays ont renforcé la résilience et l’équité de leurs systèmes de santé –
en élaborant et en chiffrant des ensembles de prestations pour la couverture sanitaire universelle ;
en développant des modèles axés sur les soins de santé primaires ;
et en adoptant des stratégies hospitalières intégrant la résilience, la pérennité et l’équité dans la prestation des services.
Nous avons soutenu les ministères de la santé en Iraq, au Soudan, en République arabe syrienne et au Yémen dans le cadre des processus de relèvement des systèmes de santé.
Et nous nous sommes préparés à un relèvement à long terme à Gaza après la cessation des hostilités.
Nous avons également soutenu la réforme du système de santé à Djibouti.
La promotion de la santé des réfugiés, des migrants et des personnes déplacées demeure une priorité régionale.
Un appui a été fourni aux États Membres pour leur permettre d’assurer l’accès aux services essentiels.
Une nouvelle initiative conjointe avec l’Organisation internationale pour les migrations et le Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe a établi un lien entre l’adaptation aux changements climatiques et la réduction des risques de catastrophe.
Un exercice de simulation transfrontalier a été réalisé afin de renforcer la prestation des soins de santé le long des routes migratoires.
Dans l’ensemble de la Région, les pays développent et mettent en œuvre leurs stratégies nationales de santé numérique.
Notre Réseau régional des institutions œuvrant à la conversion des données et des bases factuelles en politiques transforme des données isolées en informations partagées.
L’Égypte a mis en place un programme national exemplaire de lignes directrices en matière de soins cliniques et de santé publique.
De plus en plus de pays adoptent la onzième édition de la Classification internationale des maladies, l’Arabie saoudite ayant reçu le Prix d’excellence mondiale de la Soixante-Dix-Septième Assemblée mondiale de la Santé pour sa plateforme nationale de données sur la mortalité.
L’Afghanistan, la Somalie et le Yémen ont renforcé leur utilisation de la deuxième version de la plateforme de gestion de l’information sanitaire au niveau du district, et l’Iraq l’utilise désormais dans près de 1900 établissements pour obtenir des données fiables et en temps réel sur la vaccination.
Dans l’ensemble de notre Région, les centres collaborateurs de l’OMS soutiennent les politiques éthiques, équitables et à fort impact, tandis que l’Organisation renforce les capacités régionales pour la recherche clinique.
Nos trois Initiatives phares – sur l’accès aux médicaments, les personnels de santé et l’usage de substances psychoactives – produisent déjà des résultats mesurables.
S’agissant de l’accès aux médicaments, les pays renforcent leurs systèmes de réglementation, dans le but d’atteindre dans les plus brefs délais le niveau de maturité supérieur de l’Outil mondial d’évaluation comparative.
Cela renforce la crédibilité des systèmes de réglementation, améliore l’accès au marché, stimule la production locale et consolide la sécurité sanitaire.
L’autorité de réglementation de l’Arabie saoudite a atteint le niveau de
maturité 4 pour les vaccins et les médicaments et se prépare à devenir la première autorité reconnue par l’OMS dans la Région d’ici 2026.
L’autorité de réglementation de l’Égypte a atteint le niveau 3 de maturité de l’OMS, tandis que le Maroc, le Pakistan et la Tunisie sont sur le point d’y parvenir.
De nombreux pays renforcent leurs capacités de production et améliorent la qualité de leurs normes de fabrication.
Les systèmes d’approvisionnement ont également été renforcés grâce à la mise en place d’un nouveau mécanisme régional d’achats groupés et à la numérisation des entrepôts.
La collaboration interrégionale progresse grâce à l’Initiative d’harmonisation de la réglementation en Afrique du Nord, qui réunit l’Algérie, l’Égypte, la Libye, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie afin de renforcer la convergence réglementaire.
S’agissant des personnels de santé, la Région devrait faire face à une pénurie estimée à 2,1 millions d’agents de santé à l’horizon 2030.
Les pays élaborent des stratégies pour renforcer les soins primaires, transformer l’éducation et améliorer la gouvernance et la réglementation.
La Commission sur l’investissement dans les personnels de santé identifiera les lacunes et les meilleures pratiques et recommandera des mesures supplémentaires.
Il existe des initiatives bilatérales prometteuses entre nos pays.
Nous renforçons le dialogue et la collaboration à l’échelle régionale, en particulier avec la Ligue des États arabes et le Conseil arabe des spécialités médicales, ainsi que par l’intermédiaire de l’Alliance régionale pour la santé.
S’agissant de l’usage de substances psychoactives, 6,7 % des personnes âgées de 15 à 64 ans dans la Région de la Méditerranée orientale ont consommé des drogues au cours de l’année écoulée.
Et les taux standardisés selon l’âge pour les années de vie corrigées de l’incapacité, liés aux troubles dus à l’usage de drogues ont augmenté de 20 % depuis 1990.
Sous l’impulsion du plaidoyer mené dans notre Région, le sixième Sommet ministériel mondial sur la santé mentale de Doha, ainsi que la Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur les maladies non transmissibles et la santé mentale, tenus le mois dernier, ont abordé pour la première fois la question de l’usage de substances psychoactives.
En partenariat avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime et l’Alliance régionale pour la santé, l’OMS soutient les pays dans la lutte contre ce défi majeur de santé publique au niveau national – en élargissant l’accès aux traitements, en intégrant les soins dans les services de santé primaire et en renforçant les actions de prévention.
Nous avons lancé une Coalition régionale pour mobiliser la société civile et les personnes ayant une expérience vécue de l’usage de substances psychoactives, un schéma directeur pour orienter les priorités de recherche, ainsi qu’un Groupe consultatif stratégique chargé de soutenir l’élaboration de politiques et de services fondés sur des données probantes.
Notre réseau de centres collaborateurs de l’OMS spécialisés dans l’usage de substances psychoactives est également en expansion :
Le centre d’Abu Dhabi a accueilli le premier dialogue politique régional pour lancer l’Initiative phare, tandis que le centre en République islamique d’Iran soutient la recherche épidémiologique et les travaux consultatifs à l’échelle mondiale.
De nouveaux outils — tels que l’Atlas des usages de substances psychoactives, la formation des personnels de santé et les programmes en milieu scolaire – permettent de renforcer la responsabilisation et de protéger les jeunes.
Le Pakistan et l’Égypte ont lancé un traitement de substitution aux opioïdes,
tandis que le Qatar, la Somalie et la Tunisie élaborent des stratégies multisectorielles.
S’agissant des situations d'urgence sanitaire.
Dans une Région qui supporte à elle seule un tiers des urgences sanitaires mondiales, l’OMS demeure un acteur indispensable : elle endigue les épidémies, assure la continuité des services essentiels et apporte une assistance vitale.
Grâce aux efforts déployés par l’OMS dans la lutte contre le choléra, huit flambées sur neuf enregistrées l’an dernier ont affiché un taux de létalité inférieur à 1 %, ce qui est en conformité avec les normes internationales.
En 2024, le pôle logistique mondial de l’OMS à Dubaï a expédié des fournitures d’une valeur de 34 millions de dollars US vers 75 pays répartis dans les six Régions de l’OMS.
Nous avons aidé l’Iraq à réduire le taux de létalité de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, qui est passé de 18 à 5 % en l’espace d’une année.
Nous avons assuré l’acheminement de 60 % de l’ensemble des fournitures médicales entrant dans la bande de Gaza, en plus du carburant, des médicaments et du matériel chirurgical, et avons soutenu plus de 7800 évacuations médicales.
Nous avons apporté notre soutien au Soudan pour maintenir les services dans les zones touchées par le conflit – en fournissant un appui aux centres de nutrition et en ripostant aux flambées de choléra, de rougeole, de dengue et de paludisme.
Nous avons également aidé sept pays à obtenir 128 millions de dollars US du Fonds de lutte contre les pandémies afin de renforcer les capacités de préparation et de riposte grâce à l’amélioration de la surveillance, des laboratoires et des capacités en personnels.
Excellences,
Malgré des coupes budgétaires soudaines et une marge de manœuvre financière réduite, nous avons continué à tenir nos engagements.
Cependant, avec un tiers des situations d’urgence sanitaire mondiales et six crises prolongées dans notre Région, la réduction du financement a eu de graves conséquences.
Des domaines essentiels tels que la surveillance et la lutte contre les maladies, les interventions en cas de flambée et d’urgence humanitaire et l’éradication de la poliomyélite comptent parmi les plus touchés.
Il ne s’agit pas seulement d’une perte financière. La suspension de la collaboration avec les CDC des États-Unis a davantage fragilisé les capacités de surveillance des flambées.
Les répercussions totales ne se font peut-être pas encore sentir, mais nous en subissons déjà les conséquences.
Par exemple, plus de 450 dispensaires ont fermé leurs portes en Afghanistan, au Soudan et en République arabe syrienne, et privant 2,5 millions de personnes d’accès aux soins.
Le soutien nutritionnel des populations déplacées a été réduit dans sept pays.
Les services de santé de la mère et de l'enfant ont été perturbés en Afghanistan et en Somalie, exposant davantage les femmes à des risques accrus.
En réponse à ces défis, nous avons également tout mis en œuvre afin d’augmenter les contributions volontaires et de mobiliser de nouvelles sources de financement.
En 2024 seulement, nous avons mobilisé 1,4 milliard de dollars US pour notre Région, traité 200 opportunités de financement, et établi 15 nouveaux partenariats.
Un nouveau groupe de travail régional sur le financement de la santé aidera les États Membres à mobiliser des ressources nationales, à faire participer la diaspora et à solliciter un soutien philanthropique, à renforcer la budgétisation et la gestion, et à faire progresser la protection financière.
Et par l’intermédiaire de l’Alliance régionale pour la santé et du système des Nations Unies, nous continuons à mettre en commun nos ressources afin d’obtenir un impact maximal.
Nous sommes profondément reconnaissants envers nos partenaires pour leur soutien constant.
Nous gardons toutefois à l’esprit que les ressources internationales sont susceptibles de diminuer au fur et à mesure que les besoins augmenteront.
Au cours des derniers mois, notre équipe s’est jointe à l’ensemble de l’OMS dans la réduction et l’optimisation des dépenses. Il en résulte une structure régionale plus allégée, plus cohérente et mieux positionnée pour produire des résultats.
Le budget approuvé pour l’exercice 2026-2027 offre une perspective claire,
mais 40 % – soit 215 millions de dollars US – doivent encore être mobilisés pour cette Région afin de maintenir les programmes essentiels.
À défaut d’un financement prévisible et adéquat, la Région sera confrontée à de graves difficultés pour maintenir des opérations pouvant sauver des vies, des capacités de préparation et des programmes essentiels dans les pays.
Plus que jamais, la solidarité régionale, les investissements avisés et les contributions venues de l’intérieur comme de l’extérieur de la Région sont d’une importance cruciale.
Excellences,
Je serai honnête avec vous. Notre modèle régional actuel de financement n'est pas viable.
Nous ne pouvons pas édifier des systèmes de santé dépendant des priorités changeantes des autres.
La solidarité régionale n’est pas une option : c’est notre seule voie.
Chaque pays doit renforcer le financement national, garantir l’efficience,
et investir dans des systèmes centrés sur les personnes.
Nous devons également nous soutenir mutuellement par le biais d’achats groupés, d’une expertise partagée et de solutions innovantes.
Et nous demandons à tous les États Membres qui le peuvent d’envisager d’accroître leur soutien volontaire à l’OMS dans notre Région.
La santé de notre Région est une responsabilité commune.
Nous devons transformer cette crise en une occasion d’édifier des systèmes résilients, autonomes et dignes de nos peuples.
Choisissons la paix plutôt que la guerre.
L’espoir plutôt que la détresse,
La compassion plutôt que l’indifférence,
Et la santé plutôt que la maladie.