Lupus et virus d’Epstein-Barr

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I. Tazi,1 S. Fehri,1 K. Elghrari,2 T. Ouazzani2 et N. Benchemsi1

الذئبة الحمامية الجهازية وفيروس ابشتين بار

إلياس التازي، سهام فهري، كوثر الغراري، طام وزاني، نفيسة بنشمسي

الخلاصـة: قام الباحثون بالتعرف على معدَّل انتشار أضداد فيروس ابشتين – بار لدى 44 مريضاً بالذئبة الحمامية الجهازية ولدى 44 من المتبرعين بالدم الأصحاء الذين يضاهئون المرضى من حيث العمر والجنس، كشواهد منهم 39 امرأة، وكان العمر الوسطي 33 سنة، وكانت 4 حالات (%9) و5 شواهد (%11) إيجابية للأضداد من الأيج م (الغلوبلين المناعي M) المضادة للمستضد بقفيصة الفيروس (قوة الاحتمال: 0.9). وكانت جميع الحالات إيجابية للأضداد المضادة ايج جي (الغلوبين المناعي G) بالمقارنة مع %91 لدى الشواهد (قوة الاحتمال 0.12). وكانت النسبة الوسطية للمناعة لهذه الأضداد 2.341 في الحالات و1.873 في الشواهد (قوة الاحتمال 0.068). وكانت 40 حالة إيجابية (%91) للإيج جي. للمستضدات النووية EB مقارنة بـ 42 من الشواهد (%95) (قوة الاحتمال = 0.6).

RÉSUMÉ Nous avons déterminé la prévalence des anticorps anti-virus Epstein-Barr (EBV) chez 44 patients atteints de lupus érythémateux disséminé et 44 sujets témoins choisis parmi des donneurs de sang sains du même sexe et du même âge. Sur les 44 patients étudiés, 39 étaient de sexe féminin. La moyenne d’âge était de 33 ans. Quatre patients lupiques (9 %) contre 5 sujets sains (11 %) étaient positifs pour l’IgM anti-VCA (antigène de capside du virus) (p = 0,9). Tous les lupiques ont positivé l’IgG anti-VCA contre 91 % des sujets témoins (p = 0,12). La moyenne de l’ISR pour cet anticorps était de 2,341 chez les lupiques et de 1,873 chez les témoins (p = 0,068). Les anticorps IgG dirigés contre l’antigène nucléaire-1 (EBNA-1) de l’EBV étaient positifs chez 40 patients lupiques (91 %) contre 42 (95 %) patients sains (p = 0,6).

Systemic lupus erythematosus and Epstein–Barr virus

ABSTRACT We determined the prevalence of antibodies to Epstein–Barr virus (EBV) in 44 patients with systemic lupus erythematosus (SLE) and 44 healthy blood donors matched for sex and age as controls. Of the cases, 39 were women; mean age was 33 years. Four cases (9%) and 5 controls (11%) were positive for IgM anti-viral capsid antigen (VCA) (P = 0.9). All the cases were positive for IgG anti-VCA compared with 91% of the controls (P = 0.12). The mean immunity ratio for this antibody was 2.341 in cases and 1.873 in controls (P = 0.068). Forty (91%) cases were positive for IgG anti-EBNA1 (EB nuclear antigen1) compared with 42 (95%) controls (P = 0.6).

1Laboratoire d’Hématologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca (Maroc) (Correspondance à adresser à I. Tazi : This e-mail address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it ).
2Service de Dermatologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca (Maroc).
Reçu : 01/09/07 ; accepté : 31/12/07
EMHJ, 2009, 15(3): 701-708


Introduction

Le lupus érythémateux disséminé (LED) est une maladie auto-immune non spécifique d’organe, d’étiologie inconnue, qui touche essentiellement la femme jeune [1].

Son déterminisme fait intervenir des facteurs endocriniens, environnementaux et génétiques dont l’importance relative reste à déterminer. La conjonction de ces facteurs aboutit, par l’intermédiaire de mécanismes non encore élucidés, à la perte de tolérance au soi qui se traduit par une hyperactivation polyclonale B et la production de nombreux auto-anticorps, dont certains ont un rôle pathogène direct [2,3].

La maladie lupique est certainement multifactorielle ; parmi les facteurs envi-ronnementaux, les virus semblent jouer un rôle [4].

Diverses études ont soutenu l’hypothèse que l’infection par le virus d’Epstein-Barr (EBV) pouvait déclencher un LED, si le patient est génétiquement susceptible (on considère que plus de 100 gènes pourraient être incriminés dans le déterminisme génétique du lupus) [5]. La probabilité de l’implication de ce virus dans la pathogénie du LED a été renforcée par l’observation d’un titre élevé d’anticorps anti-EBV chez les patients atteints de LED.

Aucune étude jusqu’à présent n’a démontré clairement la relation entre ces deux situations pathologiques. Bien que celle-ci ait été démontrée par quelques auteurs, elle a été critiquée par d’autres [6].

Il nous a donc paru intéressant de mener une étude dans ce sens dont le but est de déterminer la prévalence des anticorps anti-EBV chez les malades atteints de lupus.

Méthodes

Patients

Quarante-quatre (44) patients atteints de LED suivis dans le service de dermatologie du CHU Ibn Rochd de Casablanca ont été choisis de façon arbitraire, indépendamment de l’âge, du sexe, du type de lupus ou de la durée d’évolution.

Tous les patients ont au minimum quatre critères de l’Association des Rhumatologues américains (American College of Rheumatology - ACR) affirmant le diagnostic de LED [7].

Une fiche de renseignements cliniques, biologiques, thérapeutiques et évolutifs a été établie pour chaque patient.

Trente-neuf (39) malades sont de sexe féminin et 5 de sexe masculin, soit un sex-ratio femme/homme de 7,8/1. L’âge moyen de ces patients est de 33 ans avec des extrêmes de 19 ans et 55 ans. Trente-cinq (35 patients (79 %) sont d’origine rurale, 9 patients (21 %) d’origine urbaine. Deux patients (4 %) avaient un parent de premier degré porteur d’un lupus.

Vingt-quatre (24) malades (soit 54 %) ont un lupus érythémateux aigu disséminé, 19 (44 %) un lupus chronique et 1 un lupus subaigu.

Un facteur déclenchant est noté dans 15 cas (exposition solaire : 7 ; infection virale : 6 ; infection bactérienne : 2) ; aucun cas de lupus induit n’a été colligé.

Le rash malaire et les arthralgies sont les manifestations cliniques les plus fréquentes, notées dans 68 % des cas. Une glomérulonéphrite lupique a été notée chez 30 % des malades. Les complications hématologiques sont fréquentes : 29 patients (67 %) ont développé une anémie, 18 (42 %) ont une leucopénie. Trois patients (7 %) ont eu des manifestations cliniques du syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL).

Par ailleurs, 95 % des patients ont des anticorps antinucléaires. Les anticorps anti-ADN natif sont présents chez 58 % des malades, les anticorps anti-Sm (antigène Smith) chez 13 %. Les aCL (anticorps anticardiolipines) sont notés chez un patient parmi les trois malades qui ont fait des manifestations thrombotiques. La recherche de cellules LE (Lupus erythematosus) a été positive seulement dans 1 cas.

Le traitement a comporté de la chloroquine dans 27 cas (62 %), des corticoïdes pour 37 malades (85 %) à raison de 1mg/kg/j durant 25 mois en moyenne avec un recours aux bolus (1g/j x 3 j) dans 8 cas (18 %). Les corticoïdes ont été associés au cyclophosphamide (700 mg/mois en IV) dans 3 cas (7 %). La thalidomide a été prescrite dans 3 cas (7 %).

L’évolution sous traitement a été jugée bonne dans 35 % des cas ; 65 % des patients ont présenté une complication.

L’étude de la prévalence des anticorps anti-EBV est faite chez 44 donneurs de sang en bonne santé – 39 femmes et 5 hommes âgés de 19 à 55 ans qui constituent le groupe témoin (le groupe des malades et le groupe des témoins ont été choisis similaires en ce qui concerne l’âge, le sexe et l’origine urbaine ou rurale).

Méthodes

Principe de dépistage des anticorps anti-EBV

Le principe de la trousse ELISA Microplaques repose sur la capacité des substances biologiques, en l’occurrence des antigènes, à s’adsorber sur les surfaces en plastique telles que le polystyrène (phase solide). Les coffrets utilisés dans cette étude se basent sur la technique ELISA et utilisent des antigènes EBV-VCA purifiés fixés sur la phase solide.

Lors de la 1re étape de la réaction, ces antigènes, fixés au fond des puits de la microplaque, sont mis au contact avec le sérum du patient. Les anticorps spécifiques de ces antigènes, s’ils sont présents, se lient pour former des complexes antigène-anticorps. À la fin de l’incubation, l’excès d’anticorps et les protéines du sérum sont éliminés par lavage. Lors de la 2e étape de la réaction, le conjugué est ajouté et se lie spécifiquement aux complexes anticorps-antigènes présents. À la fin de l’incubation, le conjugué est éliminé par lavage. Après addition de substrat tétraméthylbenzidine, la réaction est arrêtée par une solution d’acide (H2SO41N). L’intensité de la couleur obtenue, proportionnelle à la concentration d’anticorps dans le sérum, peut être lue sur un spectrophotomètre.

Technique

Les 88 échantillons sériques provenant des deux groupes – 44 patients atteints de LED et 44 donneurs de sang – ont été testés avec les réactifs Platelia® EBV-VCA-IgM, Platelia®EBV-VCA-IgG et Platelia®EBV-VCA-EB-NA-1 (Laboratoires Biorad) destinés à la recherche quantitative des anticorps vis-à-vis de l’antigène de capside du virus d’Epstein-Barr (EBV-VCA) selon la méthode ELISA [8].

Interprétation des résultats

Pour chaque prélèvement, le ratio d’immunité (ISR - international standardized ratio), calculé en divisant la densité optique de l’échantillon par la valeur seuil du réactif calibrateur est interprété comme indiqué au tableau 1.

La présence d’anticorps anti-EBV est indispensable pour attribuer au virus la responsabilité d’un syndrome infectieux aigu. La possibilité de titrer, dans un même sérum, les anticorps contre plusieurs antigènes EBV conduit à établir pour chaque individu un profil sérologique. Selon la présence ou l’absence de ces différents anticorps et selon la valeur des titres en cas de positivité, l’interprétation est différente. C’est la seule sérologie virale qui, aujourd’hui, sur un seul sérum précoce, permet d’affirmer une infection actuelle ou de l’infirmer catégoriquement, de constater qu’un sujet n’a jamais rencontré le virus, ou au contraire qu’il est immunisé et ne fera donc pas une nouvelle infection à EBV, tout cela grâce à la combinaison des différents marqueurs.

Pendant la phase aiguë, les anticorps IgG et IgM anti-VCA sont présents dès le début des signes cliniques (il est rare que l’on mette en évidence une séroconversion), alors que les IgG anti-EBNA-1 ne sont en général détectables qu’à la convalescence. Les anticorps IgG dirigés contre l’antigène précoce (Diffus) [anti-EA(D)] apparaissent également dès le début de la maladie, mais de façon inconstante et ne sont donc pas un marqueur fiable de la primo-infection. Les IgM anti-VCA et les IgG anti-EA disparaissent à la guérison, au bout de 3 à 4 semaines ; les IgG anti-VCA et les IgG anti-EBNA-1 au contraire persistent toute la vie. Les anticorps anti-EBNA-2 ne sont pas toujours détectables.

La présence d’anticorps IgM dirigés contre les antigènes viraux du cycle lytique signe en général la primo-infection à EBV. Mais comme ces IgM réapparaissent parfois lors des réactivations, il est utile de rechercher les anticorps IgG de type EBNA-1 qui doivent être absents au cours de la primo-infection aiguë.

La primo-infection à EBV est prouvée par le profil sérologique EBV : anticorps IgG et IgM anti-VCA positifs et IgG anti-EBNA négatifs.

Résultats

Quatre patients atteints de LED (9 %) et 5 sujets témoins (11 %) sont positifs pour l’IgM anti-VCA. La corrélation entre les deux groupes est non significative (p = 0,9) (Tableau 2).

La réactivité de l’anticorps IgM anti-VCA est faible pour tous les prélèvements, avec une moyenne de l’ISR de 0,689 pour les sujets atteints de lupus (extrêmes : 0,294 - 1,445) et de 0,543 pour les sujets témoins (extrêmes 0,377 - 1,241) (Tableau 3).

Les anticorps de type IgG anti-VCA sont positifs chez 100 % des malades et 91 % des témoins. La différence est non significative (p = 0,12) (Tableau 2).

La moyenne des ISR pour l’anticorps de type IgG anti-VCA est de 2,341 chez les malades (extrêmes : 1,890 - 3,027) et de 1,873 pour la population témoin (extrêmes : 0,907 - 2,085). La différence est non significative (p = 0,068) (Tableau 3).

Quarante (40) malades (91 %) ont des anticorps IgG anti-EBNA-1 positifs contre 42 (95 %) témoins. La différence est non significative (p = 0,6) (Tableau 2).

La réactivité de l’anticorps IgG anti-EBNA-1 est augmentée chez les malades (ISR moyen de 2,149 [extrêmes : 1,262 - 3,347]) et les témoins (ISR moyen de 2,045 [extrêmes : 1,142 - 3,141]) (p = 0,074) (Tableau 3).

La différence entre les ISR moyens des malades et des témoins pour les anticorps IgM anti-VCA, IgG anti-VCA et IgG anti-EBNA-1 est non significative (Tableau 3).

Quatre malades (9 %) présentent une infection à EBV récente : IgM anti-VCA positifs, IgG anti-VCA positifs et IgG anti-EBNA-1 négatifs. Quarante (40) malades (91 %) avaient un contact antérieur avec le virus : IgG anti-VCA positifs, IgG anti-EBNA-1 positifs et IgM anti-VCA négatifs. Deux témoins (4,5 %) n’ont aucun contact avec le virus : toute sérologie négative. Cinq témoins (11 %) ont une réactivation de l’infection à EBV : IgM anti-VCA positifs, IgG anti-VCA positifs et IgG anti-EBNA-1 positifs. Trente-cinq (35) témoins (79,5 %) avaient un contact antérieur avec le virus : IgM anti-VCA négatifs, IgG anti-VCA positifs et IgG anti-EBNA-1 positifs. Deux témoins (4,5 %) ont une sérologie IgG anti-EBNA-1 positive isolée qui n’a pas de signification vis-à-vis du virus EBV.

Discussion

Découvert en 1964 dans la tumeur de Burkitt, le virus d’Epstein-Barr (EBV), comme tous les herpès virus, est susceptible de provoquer des infections aiguës mais aussi des infections latentes ou persistantes dans lesquelles l’expression du génome viral est très restreinte ; le maintien de cet état de latence dépend du système immunitaire de l’hôte [9].

Même s’il existe des arguments épidémiologiques contradictoires, certains arguments physiopathologiques sont en faveur d’un rôle possible de l’EBV dans la genèse du LED puisqu’il est en étroite relation avec les cellules responsables de la réponse immunitaire et les anomalies lymphocytaires B [4].

La parenté antigénique très proche et le haut degré d’homologie entre les peptides viraux et les peptides nucléaires ont suggéré, dans une population prédisposée, la possibilité d’une auto-immunité anti-spliceosome par mimétisme nucléaire [10,11].

Ce virus pourrait jouer un rôle dans la genèse du lupus érythémateux disséminé (LED) en raison de l’hyperstimulation immunologique qu’il peut induire et de la parenté structurale entre certains antigènes du spliceosome retrouvés dans le LED et certains antigènes précoces de l’infection à EBV [10,12].

L’EBV présente un tropisme cellulaire pour les lymphocytes B. Son génome comprend une séquence codant pour une interleukine 10 (IL-10) pouvant inhiber l’apoptose, provoquant ainsi une prolifération polyclonale B [13].

Dans le lupus, il existe aussi de nombreu-ses anomalies lymphocytaires B. L’IL-10 est sans doute la cytokine dont la contribution au lupus a été la mieux démontrée en allant jusqu’à la modulation thérapeutique. Les taux circulants d’IL-10 au cours du lupus sont plus élevés que normalement et sont corrélés à différents indices cliniques et biologiques d’activité. En effet, 1’IL-10 est un facteur de différentiation des lymphocytes B en plasmocytes avec une orientation vers la production d’IgG [14].

Dans la littérature, les travaux qui se sont intéressés à évaluer l’implication de l’EBV dans la pathogénie du lupus sont nombreux mais contradictoires. Cela peut être dû en partie à l’hétérogénéité des techniques utilisées et des cas étudiés. Globalement, deux groupes d’études peuvent être distingués.

Le premier groupe correspond aux études qui ont trouvé une forte prévalence de l’EBV dans le lupus, suggérant que l’EBV pourrait être impliqué dans la pathogénie du lupus. Les premiers travaux scientifiques publiés il y a un quart de siècle ont démontré que le titre des anticorps anti-EBV est plus élevé chez les malades lupiques que chez les sujets témoins [15,16]. Yokochi et al, dans une étude menée en 1989, ont détecté chez les malades lupiques un titre élevé d’anticorps anti-EBV comparativement aux individus témoins [17]. Des publications récentes rapportent que certains individus ont développé immédiatement un lupus après une mononucléose induite par l’EBV, soutenant l’hypothèse que l’infection à EBV peut déclencher au moins quelques cas de LED [6,18]. D’autres études menées chez des enfants et des adolescents ont trouvé des résultats comparables et supposent que l’infection par le virus EBV représente un facteur de risque environnemental pouvant déclencher le LED [12,19]. En effet, James et al. ont montré que les enfants et adolescents atteints de LED ont une séroconversion significativement plus fréquente pour l’EBV que la population saine (99 % vs 70 %) et qu’ils sont souvent porteurs de l’ADN viral dans leurs lymphocytes circulants [12]. Mais d’après Evans, 95 % des sujets adultes sont présumés être porteurs du virus EBV ; cette forte prévalence fait penser qu’il existe d’autres facteurs aussi importants que l’EBV capables d’intervenir dans la pathogénie du LED [20].

Ainsi, il est difficile de prouver qu’il y a une association entre EBV et LED en comparant les taux de séroconversion entre malades et sujets témoins, puisque la majorité des adultes est séropositive pour l’EBV [21]. En effet, May et al. pensent que, malgré le lien probable entre ces deux situations pathologiques, il est difficile de le confirmer avec certitude puisque 80 à 90 % des sujets adultes dans le monde sont séropositifs pour l’EBV [22].

Le second groupe d’études qui a cherché à évaluer l’implication de l’EBV dans le lupus conteste la participation de l’EBV dans la pathogénie du lupus. En effet, Tsai et al. n’ont pas trouvé chez les patients lupiques une augmentation de la séroconversion pour l’EBV [21]. Dans une étude réalisée en Corée, Moon et al, en comparant la charge virale par PCR semi-quantitative, n’ont pas trouvé de significativité entre les malades lupiques et les sujets témoins (98,5 % vs 94 %) [23]. De même, cette étude ne trouve pas de lien entre ces deux situations pathologiques, surtout que le titre des anticorps anti-EBV n’est pas un indicateur fiable du statut de l’EBV dans le corps puisque la réponse sérologique peut être modifiée non seulement par la nature de l’antigène mais aussi par une dysrégulation induite par la maladie ou par le traitement administré. Les résultats de cette série sont en accord avec les résultats du second groupe d’études. Il n’y a pas de différence significative entre les patients lupiques et les témoins vis-à-vis de la positivité des anticorps de l’EBV : IgM et IgG anti-VCA et IgG anti-EBNA-1; même la différence entre les ISR moyens des malades et des témoins pour ces anticorps est non significative. Il est difficile alors de confirmer avec certitude l’implication de l’EBV dans le déclenchement de la maladie lupique, d’autant plus que la prévalence de l’EBV est très élevée dans notre contexte.

La faible taille de l’échantillon étudié rend le lien de causalité EBV et lupus difficile à établir ou à éliminer avec précision, d’où l’intérêt d’une étude plus étendue notamment de cohorte prospective chez des patients EBV-positifs, en surveillant l’apparition d’un lupus chez eux.

Conclusion

Ainsi la maladie lupique est probablement multifactorielle ; les facteurs environnementaux, en particulier viraux, pourraient intervenir dans sa genèse, mais il semble illusoire de retenir un seul agent viral puisque la diversité génétique permet d’expliquer que différents virus puissent être impliqués selon le répertoire génétique du patient.

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