Excellences les Ministres de la Santé et Chefs de délégations,
Mesdames et Messieurs,
J'ai l'honneur et le plaisir de vous présenter aujourd’hui mon rapport sur l’activité de l'OMS dans la Région.
Ce rapport annuel, dont vous avez pu prendre connaissance, fournit des informations détaillées sur l’activité et les réalisations de l'Organisation au cours de l'année 2023.
Il met en lumière le travail acharné, le dévouement et la ténacité de mon estimé prédécesseur, le Dr Ahmed Al-Mandhari, ainsi que la fabuleuse équipe qu'il m'a confiée lorsqu’il a quitté ses fonctions.
Je me permets de vous en recommander la lecture.
Aujourd'hui, j'aimerais concentrer mon intervention sur notre situation actuelle et sur notre avenir.
Mesdames et Messieurs,
Les neuf derniers mois ont été pour moi un périple extraordinaire.
Comme vous le savez, je suis originaire de cette Région, avec laquelle j’ai toujours entretenu un lien profond.
Cependant, depuis que je suis devenue Directrice régionale de l'OMS, j'ai eu l'opportunité d’approfondir ma connaissance des pays qui la composent.
Et je l'aime tellement plus maintenant.
Jusqu'à présent, je me suis rendu dans 11 États Membres et je me réjouis par avance de visiter tous les pays restants et d’y faire des rencontres au sein des populations – à commencer par Djibouti très prochainement.
Permettez-moi de vous faire part de ce que j'ai appris jusqu'à présent.
Inévitablement, j'ai été témoin de plus de chagrin que je ne l'aurais cru possible.
Lorsque j’ai pris mes fonctions, mes collègues, mes amis et ma famille m’ont félicitée, tout en me prévenant des dures réalités auxquelles je serais confrontée.
Ils avaient tout à fait raison.
Je me souviens encore du choc ressenti lors de ma première visite au Soudan.
J'y ai rencontré des agents de santé épuisés qui luttent pour sauver des vies sans même disposer des fournitures de base.
Des mères anxieuses, dont les bébés souffrent de malnutrition – « n’ayant plus que la peau sur les os », comme aime à dire le Directeur général.
Malgré tous nos efforts, le Soudan est actuellement confronté à la plus grande famine et à la plus grave crise de déplacement au monde.
Cette souffrance est inimaginable.
Et à Alep, en République arabe syrienne, la destruction dépasse tout ce que j'avais vu auparavant.
Des années de guerre, le tremblement de terre de 2023 et l'insécurité permanente ont dévasté le système de santé.
De plus, les sanctions engendrent des obstacles supplémentaires à l’accès aux services essentiels.
J'y ai rencontré des patients sous dialyse, dans la trentaine ou la quarantaine, n’ayant pas les moyens d’acheter leurs médicaments.
À Gaza, les dégâts causés ont entraîné le retour de la poliomyélite, 25 ans après son éradication.
Lors de ma visite en juillet, j'ai vu des gens qui vivaient dans des conditions que personne ne devrait jamais avoir à endurer.
Au-delà du bilan physique, la charge émotionnelle et psychologique était palpable.
Une femme m'a demandé : « Ne sommes-nous pas, nous aussi, des êtres humains ? Le monde ne nous voit-il pas comme des êtres humains ? »
Les mots m’ont manqué pour répondre.
En Afghanistan, en République islamique d’Iran et en République arabe syrienne, j’ai pu voir les effets dévastateurs de l’usage des substances psychoactives.
J'ai rencontré des femmes et des adolescents – oui, des adolescents – qui luttent pour se libérer de leur dépendance et reprendre le contrôle de leur vie.
Et dans tant d’autres pays également – au Liban, en Libye, en Somalie, au Yémen – des personnes sont confrontées à des pertes tragiques et luttent pour survivre.
Nous devons faire face à ces situations.
Et nous veillerons toujours à ce que personne ne les ignore.
Mais nous ne pouvons pas nous permettre de perdre de vue les aspects positifs.
Regardez les interventions d'urgence en Palestine.
Il suffit de voir à quelle vitesse l'OMS, les autorités nationales et nos partenaires ont pu vacciner plus de 560 000 enfants à Gaza, dans les conditions les plus éprouvantes que l'on puisse imaginer.
D'ailleurs, la plupart des agents de vaccination sont eux-mêmes les membres du personnel de santé de Gaza – des personnes extraordinaires, courageuses et résilientes.
Admirez la solidarité dont font preuve les autres pays.
Les dons significatifs de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, du Koweït et du Qatar.
Les fournitures médicales achetées pour plus de 33 millions de dollars US, dont plus de 65 % ont déjà été expédiées depuis la plateforme de l’OMS à Dubaï.
Les évacuations de patients de Gaza vers l’Égypte, les Émirats arabes unis, la Jordanie, Oman et le Qatar.
Ainsi que du Soudan vers l’Égypte et la Libye.
Tant de pays joignent leurs forces pour aider ceux qui sont dans le besoin.
Accueillant les patients et les réfugiés malgré la pression qui s’exerce sur leurs systèmes de santé.
C’est ce dont j’ai été témoin lors de mes visites dans les États Membres.
Il va sans dire que les réalisations dans notre Région ne se limitent pas aux interventions en cas d’urgence.
Prenons l’exemple des Villes-santé, l’un de nos principaux programmes de promotion de la santé.
Nous avons parcouru un long chemin depuis que Sharjah est devenue la première Ville-santé de la Région en 2015.
Aujourd’hui, notre réseau comprend 118 villes, s’étendant du Maroc au Pakistan et de la Tunisie au Soudan.
Parmi ces villes, Djeddah compte à elle seule plus de quatre millions de personnes.
Le gouvernorat de la Capitale de Bahreïn vient juste de devenir notre premier
Gouvernorat-santé.
Oman possède la première Île-santé de notre Région, Maseera.
Le Koweït est un pionnier dans l’utilisation des indicateurs relatifs aux Villes-santé.
Et désormais, chaque municipalité du Qatar est reconnue comme une Ville-santé.
Nous assistons à des avancées spectaculaires dans la lutte contre les maladies transmissibles.
L’Égypte joue un rôle moteur dans l’élimination de l’hépatite C à l’échelle mondiale et vient également d'éradiquer le paludisme.
La Jordanie est devenue le premier pays au monde à éliminer la lèpre.
Et le Pakistan vient d’éliminer le trachome.
Il y a tant d'autres histoires marquantes, dans tant de domaines différents de la santé publique.
En République islamique d'Iran, ils ont placé l'éducation familiale au centre des efforts de santé publique. Ils produisent 96 % de leurs médicaments, montrant la voie dans le domaine de la recherche médicale.
L’Iraq est le premier pays au monde à avoir achevé le processus de transition pour la poliomyélite – nous espérons que les autres en feront de même.
L'Afghanistan et le Pakistan travaillent en étroite collaboration pour éradiquer définitivement la poliomyélite. Ils collaborent également sur de nombreux autres défis dans le domaine de la santé, tels que la formation et l'éducation.
Et la République arabe syrienne œuvre à rendre les services plus accessibles aux personnes vivant dans des zones reculées.
Il y a des exemples de réussite dans chaque pays de notre Région.
Vous m'excuserez de ne pas tous les énumérer, mais cela me prendrait plusieurs jours.
Ce qu'il faut retenir, c'est qu’il y a de nombreuses actions positives en cours.
Et il est possible de faire bien plus encore.
Et cela m'amène à mon sujet principal aujourd'hui : quelle direction devons-nous prendre ensuite ?
Excellences,
Hier, nous vous avons présenté nos plans pour les quatre prochaines années, y compris notre nouveau Plan opérationnel stratégique régional et les trois Initiatives phares.
Merci à tous pour cette discussion exceptionnellement enrichissante et je vous suis reconnaissante d’avoir adopté massivement ces documents.
Je vous remercie également pour les réunions bilatérales inestimables que j'ai eues avec beaucoup d'entre vous depuis que j'ai pris mes fonctions.
J'apprends tellement de choses.
L’OMS vous appartient.
Nos plans s’appuient sur vos contributions.
Le Plan opérationnel stratégique pour les quatre prochaines années est conçu pour répondre à VOS priorités, telles qu'elles ont été identifiées lors de nos récentes consultations.
Et mon choix concernant les Initiatives phares a été guidé par les échanges que j'ai eus avec vos Excellences.
Nous avons discuté de ces plans en détail.
Aujourd'hui, je souhaiterais mettre l'accent sur trois éléments clés : l'investissement, la collaboration et la responsabilisation.
Excellences,
Trop souvent, dans les discussions politiques, les dépenses de santé publique sont considérées comme une sorte de luxe onéreux.
L'idée semble être que, malgré ses nombreux avantages sociaux, la santé n'est pas bénéfique pour l'économie – elle ne fait que drainer des ressources.
Nous devons changer cette perception.
En réalité, la santé est l'un des investissements les plus judicieux qu'un gouvernement puisse réaliser.
Des dépenses de santé bien ciblées et bien gérées seront largement rentabilisées en permettant aux personnes de vivre en meilleure santé, d'être plus heureuses et plus productives.
Tel est le message de la résolution historique intitulée « Économie de la santé pour tous » que vous avez approuvée lors de l'Assemblée mondiale de la Santé cette année.
Il s'agit d'un message que chaque ministre de la santé doit proclamer, sans relâche, afin de garantir la part du secteur de la santé dans les budgets gouvernementaux limités et de mobiliser un soutien multisectoriel en faveur de l'action dans le domaine de la santé.
C’est précisément de cette manière que nos nouveaux plans pourront vous apporter un soutien.
Chacune des trois Initiatives phares permettra non seulement d'améliorer la santé et le bien-être dans la Région, mais aussi de stimuler le développement social et économique.
Nous dépensons des milliards de dollars chaque année pour des médicaments, des vaccins et des produits médicaux essentiels.
Il nous faudrait privilégier le développement de la fabrication, des chaînes d'approvisionnement et des systèmes au niveau local, afin que davantage de personnes puissent accéder aux produits dont elles ont besoin et qu'une plus grande partie de cet argent demeure dans notre Région.
Intensifions les investissements dans nos personnels de santé, en veillant à ce qu'ils soient stratégiquement orientés pour combler les lacunes les plus critiques dans chaque pays.
Chaque dollar que vous consacrez à vos personnels de santé peut générer jusqu'à neuf dollars en productivité accrue sur le long terme.
Notre Initiative de lutte contre l’usage de substances psychoactives pourrait avoir des retombées encore plus importantes.
Chaque dollar dépensé pour prendre en charge les troubles liés à l’usage de substances psychoactives génère un retour sur investissement pour les sociétés pouvant aller jusqu'à
12 dollars.
Ainsi, en investissant davantage dans la prévention, nous pourrons économiser une somme considérable sur les traitements.
Le lien entre l’investissement dans la santé et la croissance économique a déjà été prouvé, et cet argument est d'une grande force.
En effet, nous avons aidé de nombreux pays à élaborer des argumentaires d’investissement sur des enjeux clés tels que les maladies non transmissibles, la lutte antitabac et la santé mentale. Ce sont d'excellents outils de plaidoyer.
Tous les plans que nous proposons pour les quatre prochaines années sont basés sur les meilleures données scientifiques à notre disposition.
Ils visent à soutenir les interventions les plus efficaces et présentant le meilleur rapport
coût-efficacité pour améliorer les résultats sanitaires de votre pays, tout en tenant compte du contexte régional et des incertitudes.
Et pour maximiser encore davantage la valeur de l’argent et des efforts que vous investissez, nous ferons appel à des partenariats.
La collaboration avec d'autres secteurs, y compris le secteur privé, est un élément clé de ces plans.
Ainsi, l'OMS facilitera les achats groupés afin de renforcer le pouvoir d'achat collectif des pays en matière de médicaments et de vaccins.
Nous favoriserons la coopération entre les États Membres en matière de personnels de santé, afin qu'un plus grand nombre de nos professionnels de santé qualifiés restent dans leur pays et dans cette Région.
En outre, nous allons œuvrer avec vous à la mise en place d'un réseau de centres d'excellence en matière de lutte contre l'usage de substances psychoactives.
Nous mettrons en place de nouvelles plateformes permettant le partage des connaissances et de l’expertise.
En nous appuyant sur l'excellent travail de mon prédécesseur, le Dr Ahmed Al-Mandhari, nous utiliserons les plateformes existantes, telles que l'Alliance régionale pour la santé, afin d'améliorer la coordination entre les différentes institutions des Nations Unies et les autres parties prenantes.
Nous souhaitons que chaque partenaire contribue dans les domaines où il dispose d'un avantage comparatif.
Nous voulons tirer le meilleur parti de toutes les ressources disponibles.
Nous souhaitons également renforcer le pouvoir fédérateur de l'OMS pour faciliter l'entraide entre les pays.
Afin qu’un plus grand nombre de pays puissent mettre à niveau leur autorité nationale de réglementation des médicaments.
Pour que davantage de pays puissent améliorer les programmes de formation et offrir de meilleures carrières à leurs professionnels de la santé.
Et qu’un plus grand nombre de pays puissent intégrer la prise en charge des troubles liés à l'usage de substances psychoactives dans les soins de santé primaires.
Car lorsqu'un pays réussit dans l'un de ces domaines, il s'agit déjà d'un progrès appréciable.
Mais si plusieurs pays réussissent dans plusieurs domaines, c'est toute la Région qui s'en trouvera renforcée.
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
J'espère que vous avez tous eu l'occasion de prendre connaissance du Plan opérationnel stratégique.
Nous nous sommes efforcés de le présenter de la manière la plus claire possible, mais il s'agit inévitablement d'un document assez complexe.
Comme l'a fait remarquer hier, mon cher collègue et Conseiller spécial, le Dr Mohamed Jama, le cadre de résultats détaillé représente l'une des principales caractéristiques de ce Plan.
Nous avons l'intention de mettre en œuvre une évaluation et un suivi rigoureux.
Comme on dit, « ce qui peut être mesuré, peut être réalisé ». Nous voulons nous assurer que nous accomplirons notre mission au cours des quatre prochaines années.
Nous avons choisi 77 indicateurs de résultats issus du quatorzième PGT afin de couvrir tous les résultats régionaux prioritaires convenus, et nous disposons de 107 indicateurs de produits alignés sur ces résultats.
Dans la mesure du possible, nous avons spécifié une base de référence régionale et un objectif final pour chacun de ces indicateurs.
Dans certains cas – et tout comme l’ont mentionné hier certains d’entre vous – nous ne disposons pas encore de données permettant d’établir une base de référence régionale.
Nous avons pris note de toutes ces lacunes et, au cours des deux prochaines années, nous nous efforcerons d'améliorer les données et d'établir une base de référence.
Nous avons également établi des étapes annuelles pour la contribution de l'OMS à la réalisation de chaque objectif, afin que nous puissions ensemble suivre ce que nous devons accomplir chaque année.
Nous allons suivre nos progrès régulièrement et de manière exhaustive.
Je présiderai personnellement un comité directeur chargé de superviser la mise en œuvre du Plan opérationnel stratégique, y compris les trois Initiatives phares.
Je recevrai des rapports de situation des équipes techniques de l'OMS chaque trimestre, et je tiendrai ce comité informé des progrès chaque année dans le cadre de mon rapport annuel.
Les progrès accomplis dans la mise en œuvre du Plan seront également surveillés au moyen de mécanismes de suivi du budget programme.
Et une évaluation indépendante sera réalisée en 2027.
Vous pouvez donc vous attendre à une transparence totale dans la mise en œuvre de ces plans.
Nous serons en mesure de détecter les obstacles et de les gérer rapidement.
Et chacun sera responsable de sa part dans la mise en œuvre du Plan.
Excellences,
La réalisation de nos objectifs nécessitera des efforts concertés de la part du Secrétariat de l'OMS et de tous les États Membres.
Ne perdons donc pas de vue aujourd’hui l'enjeu à cet égard.
La mise en œuvre réussie de nos plans pourrait permettre à des millions de personnes supplémentaires dans la Région d'accéder au traitement de haute qualité dont elles ont besoin.
Cela signifierait que davantage de nos brillants et talentueux professionnels de santé choisiraient de rester dans la Région pour y poursuivre leur carrière.
Cela signifierait la guérison et la libération des personnes, des familles et des communautés touchées par l'usage de substances psychoactives.
Et cela permettrait d'éviter que beaucoup plus de personnes ne tombent malades.
Ensemble, nous pouvons réaliser tous ces objectifs. Nous pouvons améliorer la vie de millions de personnes.
Mais pour cela j’ai besoin de votre soutien.
Merci de bien vouloir approuver les plans qui vous sont présentés, et de nous aider à les concrétiser.
Je ne m'attends pas à ce que ce soit un parcours facile.
Il y aura des hauts et des bas en cours de route.
Toutefois, ensemble, nous pouvons y parvenir.
Je vous remercie encore pour la confiance que vous m'avez accordée.
Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour mériter votre confiance et votre soutien et pour mener à bien mon mandat, dans l'intérêt de tous les habitants de notre Région.