Centre des médias | Actualités | Il faut compter un décès chaque fois qu’il y a eu deux blessés dus aux tremblements de terre en Syrie. Les experts de l’OMS en traumatismes expliquent les raisons de ce phénomène.

Il faut compter un décès chaque fois qu’il y a eu deux blessés dus aux tremblements de terre en Syrie. Les experts de l’OMS en traumatismes expliquent les raisons de ce phénomène.

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For every 2 injuries due to the Syria earthquake, a death has occurred. WHO trauma experts explain why

Pourquoi le nombre de morts a-t-il été tellement plus élevé que celui des blessés après les tremblements de terre en Syrie ?

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Nous savons par expérience qu’il y aura probablement entre deux et quatre blessés pour chaque décès. En Syrie, le nombre de blessés n’était que deux fois supérieur au nombre de morts, soit un ratio approximatif de 1:2. Outre la proximité du foyer du séisme par rapport à la population, trois autres principes essentiels ont contribué à ce bilan plus lourd : la vulnérabilité des logements, notamment le type et la qualité de construction, la densité de la population et, enfin, la capacité des équipes de recherche et de sauvetage. Nous savons que les équipes de recherche et de sauvetage en Syrie ont eu besoin de plus de soutien au cours des toutes premières heures et des tout premiers jours de l'intervention. Suite à un tremblement de terre, chaque heure compte. Dans les six premières heures, les chances de trouver une personne gravement blessée peuvent être d’environ 60 %, mais cette probabilité diminue rapidement à moins de 10 % dès la 48e heure.

Quelles sont les premières parties d'un immeuble à s'effondrer ?

Dans notre Région, de nombreux bâtiments sont « à étages souples », ce qui signifie que leur rez-de-chaussée est considérablement plus faible que les étages situés au-dessus. Cela est souvent dû au fait que les rez-de-chaussée sont utilisés en tant qu’espaces publics tels que magasins ou parkings. Lorsqu’un tremblement de terre survient, le rez-de-chaussée d’un bâtiment à étages souples s’effondre généralement en premier, ce qui entraîne une chute des étages supérieurs, puis un effondrement total du bâtiment. Par conséquent, le nombre de morts peut être élevé dès les premières minutes. Mais les blessures peuvent également être dues à des dommages non structurels, comme des bris de verre, des chutes de meubles et des dommages structurels partiels.

Quels types de lésions traumatiques entraînent le plus souvent la mort ?

Il existe quatre vagues de décès causés par des blessures. L'effondrement d'immeubles entraîne la première vague de décès dus à des traumatismes. Le second pic de mortalité survient quelques heures après le séisme en raison de « blessures par écrasement », qui résultent d'un traumatisme physique au niveau du torse, des extrémités ou d'autres parties du corps. Jusqu'à 20 % des victimes peuvent souffrir de blessures par écrasement dues au fait d'avoir été piégées sous les décombres. Même si l’individu piégé est sauvé, la mort peut toujours survenir suite à une défaillance d’organe, appelée « syndrome d’écrasement ». Il ne reste qu’une période de temps limitée pour fournir aux patients atteints du syndrome d’écrasement le traitement approprié, y compris la réanimation liquidienne intensive, l’administration de médicaments vitaux et, dans les cas graves, l’hémodialyse.

Le troisième pic survient quelques jours à quelques semaines après un tremblement de terre, lorsque des personnes atteintes de septicémie et de défaillance multiviscérale meurent des suites de leurs blessures. Outre celles qui ont subi des traumatismes, de nombreuses personnes qui souffrent de maladies chroniques telles que le diabète et les maladies cardiaques sont confrontées à un risque plus élevé de décès en raison de l'interruption de la fourniture de médicaments et de soins cruciaux, ce qui constitue la quatrième vague.

Quels soins doivent être apportés à ceux qui se trouvent sous les décombres ?

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La prise en charge adéquate d’une victime blessée nécessite l'application des bases des soins d'urgence – au niveau des voies respiratoires, de la respiration et de la circulation sanguine. En général, ces soins peuvent être prodigués par les paramédicaux et le personnel de santé de première ligne, mais les soins appropriés doivent être adaptés à la gravité de la blessure. Environ 30 % à 40 % de l'ensemble des cas souffriront de blessures qui mettent immédiatement la vie en danger et nécessiteront des soins de suivi supplémentaires et une prise en charge immédiate à l'hôpital.

Parmi les blessés qui ont survécu, quels sont les types de traumatismes les plus fréquents que l'on peut s'attendre à voir ?

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Les conclusions de l’OMS révèlent que les catastrophes, telles que les tremblements de terre, entraînent une proportion considérablement élevée de décès et de lésions dus à des traumatismes. Pour ces victimes, les fractures représentent environ un quart de l'ensemble des blessures, 74 % d'entre elles touchant les membres inférieurs.

En fait, jusqu’à 90 % de la charge de travail en matière de chirurgie dans les hôpitaux implique la prise en charge des blessures infligées aux membres. Par conséquent, la fourniture de fixateurs externes, un équipement qui permet de sauvegarder les membres, est cruciale pour la prise en charge efficace des blessures au niveau des membres. Sans fixateurs externes, il y aura probablement une augmentation des amputations chez les blessés et des incapacités à vie.

Il s’agit également des blessures à la poitrine, à l'abdomen, à la tête et à la colonne vertébrale, mais en fonction de la gravité du traumatisme, les chances de survie sont beaucoup moins élevées que pour les blessures aux extrémités.

Quelles sont les mesures que les hôpitaux peuvent prendre pour atténuer à l’avenir l’impact des décès et des incapacités causés par des traumatismes ?

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Les hôpitaux doivent être préparés à traiter un grand nombre de victimes et des blessures complexes. La préparation est essentielle à cet égard. L’investissement dans la prise en charge d’un grand nombre de victimes comprend la formation de l’ensemble du personnel hospitalier aux principes de base en la matière, ainsi que la simulation du plan hospitalier au moins une fois par an. L'OMS s'efforce depuis deux ans de préparer les hôpitaux de notre Région à mieux prendre en charge les grands nombres de victimes. À ce jour, nous avons formé et soutenu plus de 100 hôpitaux, mais il reste encore beaucoup à faire.

Qu’en est-il des communautés ?

Les communautés ont un rôle important à jouer à cet égard. L’éducation des communautés sur la manière de gérer de tels événements est essentielle pour en réduire l’impact. Par exemple, ce qu'il faut faire pendant un tremblement de terre pour assurer la sécurité. Le type de blessure le plus fréquent est lié au fait d'être frappé par des objets qui tombent. Il est possible d’apprendre aux personnes à se déplacer hors de la trajectoire de chute des objets durant les tremblements, ou mieux encore, de sécuriser les objets pour éviter qu'ils ne tombent.

Un autre exemple est celui des soins pré-hospitaliers immédiats, qui sont nécessaires pour la prise en charge des blessures potentiellement mortelles dans les six premières heures. Lors de grands événements, les équipes de secours ne peuvent pas atteindre toutes les personnes touchées dans les délais requis. La communauté locale devrait être formée pour participer aux activités de sauvetage et même au traitement fourni après, en particulier dans les zones sismiques connues.

Après un tremblement de terre, de nombreux camps et abris temporaires sont installés pour les personnes déplacées. Y a-t-il des facteurs à prendre en compte pour la prise en charge des blessures ?

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Tout à fait ! Les camps surpeuplés peuvent parfois contenir de l’eau et de la nourriture contaminées, ce qui entraîne la propagation de maladies infectieuses. Les blessures peuvent être affectées par des conditions sanitaires inappropriées après un tremblement de terre et le taux des infections de plaies peut être élevé, en particulier dans les zones où les personnes n'ont pas accès aux soins médicaux.

Quels sont les principaux enseignements à tirer ?

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Les tremblements de terre comptent parmi les catastrophes naturelles potentiellement mortelles les plus reconnues du 21e siècle, et la Région de la Méditerranée orientale y est particulièrement sensible. Par exemple, le tremblement de terre de Bam dans le sud-est de l’Iran qui a tué 40 000 personnes en 2003 ; le tremblement de terre au Pakistan en 2005 qui a fait plus de 70 000 morts ; et en Afghanistan, en juin 2022, lorsqu’un séisme de magnitude 6,1 a causé la mort de plus de 1100 personnes. Le besoin de préparation est essentiel pour sauver des vies et réduire les incapacités à vie.

En ce qui concerne les lésions traumatiques, l’OMS a créé l’Initiative régionale pour les traumatismes, une unité spécialisée qui fournit un soutien et une assistance directs aux pays de la Région de la Méditerranée orientale confrontés à des situations d’urgence liées à des traumatismes. À l’avenir, cette Initiative régionale permettra de renforcer le savoir-faire et les meilleures pratiques en matière de riposte aux tremblements de terre. Elle mettra également en place son programme de formation, qui comprend une formation sur les services de soins pré-hospitaliers, la gestion des grands nombres de victimes et les services chirurgicaux.

Soutenue par le Bureau d'aide humanitaire de l'USAID, l'Initiative régionale pour les traumatismes a pour but de créer des parcours de soins de traumatologie résilients capables de résister aux chocs, réduisant ainsi les décès et les incapacités évitables causés par les traumatismes.