Eastern Mediterranean Health Journal | All issues | Volume 28 2022 | Volume 28 issue 12 | Gestion des catastrophes de masse liées au naufrage de bateaux d'immigrés clandestins : expérience du service de médecine légale de Sfax (Tunisie)

Gestion des catastrophes de masse liées au naufrage de bateaux d'immigrés clandestins : expérience du service de médecine légale de Sfax (Tunisie)

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Wiem Ben Amar,1 Hela Siala,1 Hanen Dhouib,1 Narjes Karray,1 Fatma Daoud,1 Houcine Lebkem,1 Zouhir Hammami,1 Malek Zribi1 et Samir Maatoug1

1Service de médecine légale, Hôpital Habib Bourguiba, Sfax (Tunisie) (Correspondance à adresser à : Hela Siala : This e-mail address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it .)

Résumé

Contexte : Le naufrage d'un bateau d'immigration clandestine constitue un événement imprévisible, responsable d'une catastrophe de masse pouvant générer une importante caisse de résonance médiatique. Cela constitue donc une urgence médico-sociale.

Objectif : Dans ce travail, nous proposons de rapporter le bilan de l'activité du service de médecine légale de Sfax  (Tunisie), de décrire la procédure de gestion des catastrophes de masse liées au naufrage de bateaux d'immigrés clandestins et d'étayer les principales difficultés rencontrées.

Méthodes : Il s'agit d'une étude rétrospective et descriptive portant sur tous les cas de mort par submersion suite au naufrage de bateaux d'immigration clandestine, ayant fait l'objet d'une autopsie médico-légale au service de médecine légale de l'hôpital Habib Bourguiba de Sfax, durant une période de quatre ans allant d'octobre 2017 à septembre 2021.

Résultats : Durant la période d'étude, nous avons colligé 539 décès par submersion à la suite de naufrages de bateaux d'immigration clandestine. La médiane des décès était de 93 cas par an. Nous avons remarqué un déclin important du nombre de victimes en 2019 (13 victimes) puis une remontée importante en 2020 (115) et surtout en 2021 (271). Nous avons noté deux pics de fréquence pendant les mois de juin et juillet (31,4 % et 20,8 % respectivement). Les victimes étaient essentiellement de sexe masculin (67,5 %) avec un sex ratio de 2,08. Nous avons noté la présence de mineurs âgés de moins de 18 ans dans 5,8 % des cas et de femmes enceintes dans 2,4 % des cas. La majorité des victimes étaient d'origine subsaharienne (63,1 %). Nous avons noté une augmentation du nombre de victimes de l'ethnie subsaharienne les deux dernières années. Des prélèvements ont été réalisés systématiquement pour une étude génétique. Le nombre de victimes identifiées était de 146, soit 27,1 % de tous les cadavres.

Conclusion : Même si des avancées importantes ont pu être réalisées, différents défis et difficultés restent à surmonter pour pouvoir apporter une réponse rapide aux familles qui vivent dans l'incertitude quant au sort de leurs proches disparus.

Mots-clés : Mediterranean migrations, Forensic management, identification of Illegal migrants, Interp

Citation : Ben Amar W ; Siala H ; Dhouib H ; Karray N ; Daoud F ; Lebkem H ; et al. Gestion des catastrophes de masse liées au naufrage de bateaux d'immigrés clandestins : expérience du service de médecine légale de Sfax (Tunisie). East Mediterr Health J. 2022;28(12):879−887.

https://doi.org/10.26719/emhj.22.093
Reçu : 08/05/22 ; accepté : 11/08/22

Droit d'auteur © Auteurs 2022 ; titulaire de la licence : Organisation mondiale de la Santé. La Revue de Santé de la Méditerranée orientale est une revue en accès libre. La présente publication est disponible sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d'utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 3.0 IGO (CC BY-NC-SA 3.0) IGO.


Introduction

Depuis la révolution des « Printemps arabes », la Tunisie, à l'instar d'autres pays du bassin méditerranéen, assiste à l'expansion du phénomène d'immigration clandestine. Les difficultés économiques, les taux élevés de chômage, le développement inégal entre les régions, combinés à la localisation stratégique de la Tunisie, ont fait de ses côtes une zone de départ pour les bateaux de fortune chargés d'immigrés clandestins de multiples origines à destination de l'Europe (1,2). Le naufrage d'un bateau d'immigration clandestine constitue un événement imprévisible, responsable d'une véritable catastrophe de masse qui peut générer instantanément un grand nombre de décès. Il constitue ainsi une urgence médico-légale. En effet, ce type de catastrophe mobilise des intervenants multiples, dont les médecins légistes qui auront pour mission de confirmer la cause du décès, de dater le décès mais aussi et surtout d'identifier ces cadavres, souvent inconnus. Par ailleurs, cet événement tragique peut générer une importante caisse de résonance médiatique et prendre une ampleur sociale et politique, notamment quand les victimes sont de nationalités différentes (3). Cela constitue donc une urgence médico-sociale.

Dans ce travail, nous proposons de rapporter le bilan de l'activité du service de médecine légale de Sfax (Tunisie), de décrire la procédure de gestion des catastrophes de masse liées au naufrage de bateaux d'immigrés clandestins et d'étayer les principales difficultés rencontrées.

Méthodes

Il s'agit d'une étude rétrospective et descriptive portant sur tous les cas de décès par submersion suite au naufrage de bateaux d'immigration clandestine, ayant fait l'objet d'une autopsie médico-légale sur réquisition judiciaire au service de médecine légale de l'hôpital Habib Bourguiba de Sfax (Tunisie) durant la période allant du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2021. Dans cet article, nous allons décrire la procédure de gestion des catastrophes de masse liées au naufrage de bateaux d'immigrés clandestins. Toutes les réquisitions judiciaires avaient pour mission de procéder à l'examen et à l'autopsie du cadavre afin de dater le décès, d'en déterminer la cause, de rechercher d'éventuelles traces de violence et d'identifier le cadavre. Il faut rappeler ici que Sfax est une ville de la côte sud-est de la Tunisie, au bord de la mer Méditerranée, située à environ 138 km de l'île italienne de Lampedusa, destination ultime des bateaux d'immigration clandestine partant de Sfax à destination de l'Italie. La saisie informatique des données et l'analyse statistique ont été effectuées avec le logiciel statistique Statistical Package for Social Sciences (SPSS), version 24.0, pour Windows.

Résultats

Bilan de l’activité du service 

Durant les quatre années d'étude, nous avons colligé 539 cas de décès par submersion suite au naufrage de bateaux d'immigration clandestine parmi 2680 cadavres ayant fait l'objet d'une autopsie au service de médecine légale de Sfax, soit 20,1 % de l'activité du service durant la période d'étude. La médiane des décès était de 93 cas par an. Par ailleurs, nous avons noté un déclin du nombre de victimes en 2019 (13 victimes) puis une remontée importante en 2020 (115 victimes) et surtout en 2021  (271 victimes) (Figure 1). D'autre part, la moyenne mensuelle était de 44,9 cas avec un pic de fréquence aux mois de juin (169 cas, soit 31,4 %) et juillet (112 cas, soit 20,8 %) (Figure 2) et le dimanche  (137 cas) (Figure 3). Parmi les cas enregistrés, nous avons dénombré 10 naufrages de masse, qui ont entraîné au moins 10 décès en une journée (Tableau 1). Ainsi, 48 cadavres ont été reçus le 3 juin 2018, 39 cadavres ont été repêchés le 9 mars 2021 et 49 corps ont échoué sur les côtes de Sfax le 3 juillet 2021  (Tableau 1).

La population d'étude était essentiellement formée d'adultes de sexe masculin (67,5 %) avec un sex ratio de 2,08. Les mineurs âgés de moins de 18 ans représentaient 5,8 % des cas et les femmes

enceintes 2,4 % des cas. Les cadavres étaient putréfiés au moment de l'autopsie dans plus de la moitié des cas  (52 %), et à l'état d'ossement dans 49 cas. La majorité des victimes étaient du groupe racial négroïde (63,1 %). Le groupe caucasoïde représentait 27,8 % des victimes. Cette donnée n'a pu être déterminée dans 9,1 % des cas du fait de l'état de putréfaction avancée. La répartition des cas selon le groupe racial et l'année du naufrage a montré qu'en 2017 et 2018, les victimes étaient en majorité du groupe caucasoïde, principalement d'origine tunisienne. Une augmentation importante du nombre de victimes du groupe racial négroïde (originaires d'Afrique subsaharienne) a été enregistrée en 2020 et 2021  (Figure 4). Le nombre de victimes identifiées au terme des investigations médico-légales était de 146, soit 27,1 % de tous les cadavres reçus.

Procédure de gestion médico-légale des décès suite au naufrage de bateaux d’immigrés clandestins

Les cadavres de naufragés clandestins qui échouent en mer à proximité de Sfax sont repêchés par les agents de la sécurité maritime et accessoirement par les militaires de l'armée de mer. Ils sont acheminés vers la côte où ils sont immédiatement reçus par les agents municipaux dépêchés sur place. Les corps sont ensuite transportés dans des sacs à cadavres par des camions à wagons vers la morgue du service de médecine légale de Sfax. Il est à noter qu'aucune levée de corps n'est réalisée sur les lieux, ni de recueil de données ante ou post mortem. À la morgue, l'équipe de médecine légale composée de 12 médecins et 10 ouvriers, renforcée au besoin par des volontaires (Croissant-Rouge tunisien, Croix-Rouge internationale, agents de santé, etc.), assure la prise en charge médico-légale en salle d'autopsie des cadavres, avec les agents de la police scientifique.

Les locaux de la morgue sont composés d'un bureau d'accueil au rez-de-chaussée et d'un pavillon des autopsies au sous-sol (Figure 5). L'accès à ce pavillon se fait à travers une grande porte en communication directe avec l'extérieur. Cette porte communique de l'autre côté, au bout d'un couloir de trois mètres de longueur, avec la grande salle d'autopsie d'une superficie de 60 m2, équipée de trois tables Au fond du pavillon, on retrouve les salles de stockage des cadavres : une salle comportant 12 alvéoles frigorifiques, une salle comportant

huit alvéoles frigorifiques et une chambre frigorifiée d'une superficie totale de 30 m2, dépourvue de dispositifs de rangement des cadavres. Un deuxième couloir d'une dimension de 15 m sur 3 m fait communiquer ces salles de stockage avec le couloir et deux petites salles (SP1 et SP2) d'une superficie de 15 m2 destinées à accueillir le personnel et le matériel. À l'annonce d'un naufrage de masse par les autorités, le personnel du service se renseigne sur le nombre de victimes. Il prépare en avance et classe par numéro des sacs à cadavres numérotés, des enveloppes kraft et des sacs en plastique numérotés pour la conservation des objets personnels, des écouvillons étiquetés numérotés pour le recueil des échantillons en vue de l'analyse d'ADN, des cartons numérotés plastifiés, des fiches de recueil de données post mortem numérotées ainsi que l'ensemble du matériel nécessaire pour l'autopsie (gants, bistouris, tenues, etc.). Dans ces locaux, la gestion des cadavres s'organise en un ensemble d'étapes successives faisant intervenir une cellule ante mortem, une cellule de soutien psychologique, une cellule post mortem et une commission d'identification.

Cellule ante mortem 

Cette cellule a pour fonction de recueillir les données ante mortem concernant les personnes portées disparues afin de créer une base de données informatisée. Elle fait intervenir les médecins légistes et les autorités. Des organisations non gouvernementales internationales, telles que le Comité international de la Croix-Rouge, contribuent également à cette activité à travers leurs émissaires présents sur place en Afrique subsaharienne auprès des familles des personnes portées disparues. Le recueil de données se fait à partir des familles et des connaissances de ces personnes, des réseaux sociaux, des témoins, des survivants aux naufrages et des fiches de l'Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL), si disponibles. On peut également se servir des dossiers médicaux, des dossiers dentaires, des radiographies, des rapports des médecins traitants des personnes portées disparues. Ce recueil de données factuelles est associé au prélèvement d'échantillons salivaires et sanguins à partir des parents (ascendants, descendants, fratrie) des personnes disparues pour une étude d'ADN comparative avec les échantillons provenant des cadavres.

Cellule de soutien psychologique 

Cette cellule est composée de psychiatres et de psychologues qui viennent sur place pour apporter l'aide nécessaire aux familles des personnes disparues, et sont dépêchés au service à la recherche de renseignements. Ils prennent également en charge, si besoin, les personnes impliquées dans la gestion des cadavres.

Cellule post mortem 

Cette cellule fait intervenir les médecins légistes et les personnes qui les assistent ainsi que les agents de la police scientifique. Elle a pour tâche de recueillir les données post mortem en vue de l'identification.

Réception et tri 

Les cadavres sont reçus sur des chariots au bout du couloir où un numéro est attribué à chacun d'eux, selon l'ordre d'arrivée, par une personne unique (surveillant du service) afin d'éviter les doublons. Le corps est ensuite acheminé à la salle d'autopsie et placé sur la table, accompagné de la pancarte de numéro, des sacs, enveloppes et écouvillons à son numéro.

Mesures d’identification primaire 

Les agents de la police scientifique procèdent au relevé des empreintes digitales et à la réalisation de photographies des cadavres vêtus (visage, corps entier face et vue postérieure). Le fichier numérique national d'empreintes digitales est immédiatement consulté à la recherche de correspondances. Ensuite, les médecins légistes prennent le relais pour fouiller le cadavre à la recherche d'effets personnels et de document d'identité ou de téléphone portable, noter et décrire soigneusement ces effets ainsi que les vêtements sur les fiches de recueil des données post mortem avant de les enlever et les conserver dans les enveloppes et sacs correspondants (qui seront ultérieurement scellés par les autorités). Les puces téléphoniques retrouvées sont confiées à la police scientifique afin d'identifier leur propriétaire et de tracer les appels téléphoniques ayant précédé le décès. Ces appels peuvent permettre d'identifier également l'organisateur de la traversée clandestine.

Examen externe des cadavres 

Des photographies du cadavre dévêtu accompagné de sa pancarte numérotée sont réalisées. Les signes distinctifs (cicatrices, déformations, tatouages, amputations, etc.) sont décrits et photographiés. L'examen externe du corps englobe une description détaillée de ses caractéristiques morphologiques (taille, poids, couleur de peau et des yeux, corpulence, nature, longueur et couleur des cheveux) et des signes particuliers, qui seront consignés sur la fiche de données post mortem. Toute lésion traumatique est examinée, photographiée et notée, et sa nature ante ou post mortem est recherchée ainsi que l'agent et/ou le mécanisme causal. Les signes externes de noyade sont aussi recherchés (mousse aux lèvres et aux narines, aspect d'œil de poisson, cyanose, adipocires, lésions de charriage, etc.). L'examen externe fournit également des renseignements permettant la datation approximative du décès. L'examen dentaire avec formule dentaire est également réalisé et tout élément distinctif (prothèse, implant, accessoire, etc.) est noté.

Autopsie médico-légale 

L'autopsie médico-légale systématique complète est réalisée pour tous les corps afin de confirmer la cause du décès (asphyxie mécanique par submersion) et d'éliminer une autre cause, notamment celle relevant de l'intervention d'une tierce personne. L'autopsie permettra également de relever tout élément interne pouvant servir à l'identification (stimulateur cardiaque, matériel d'ostéosynthèse, prothèse, dispositif intrautérin, absence de vésicule biliaire ou d'appendice, etc.), qui sera consigné sur la fiche. Dans notre série, dans les cas où la cause de la mort a pu être établie, il s'agit d'une submersion vitale.

Réalisation des prélèvements médico-légaux 

Des prélèvements en double exemplaire sont réalisés systématiquement pour une étude génétique : prélèvement de sang et de cartilage pour les corps frais, de cartilage uniquement pour les corps putréfiés. Ils sont ensuite conservés à - 20 oC.

Stockage des cadavres 

Les corps sont ensuite conservés dans les locaux dédiés. Après saturation des alvéoles frigorifiques et de la chambre frigorifiée, le service s'est équipé d'une cabine frigorifique externe d'une superficie de 30 m2 pour y conserver les cadavres en attendant leur identification et leur inhumation.

Commission d’identification 

Cette commission recherche par comparaison des croisements entre les données ante mortem et post mortem. En cas de matching positif, une étude comparative des échantillons d'ADN, si disponibles, est réalisée afin de confirmer l'identité. En cas d'indisponibilité d'échantillon de référence, l'identification ne sera pas formelle. L'identité ne sera formellement établie que si on a une correspondance des empreintes digitales ou un lien de filiation (ou fratrie) certain à partir de l'analyse d'ADN. Après une vérification finale des résultats, une liste des personnes identifiées est dressée.

Devenir des cadavres 

Les cadavres identifiés sont confiés à leur famille en vue de l'inhumation après production d'un permis d'inhumation au nom du défunt. Les cadavres non identifiés au bout de toute la procédure sont stockés temporairement à la morgue en attendant que les autorités municipales se chargent de leur inhumation dans les cimetières municipaux dans des tombes individuelles et numérotées, avec une correspondance entre le numéro du dossier au service de médecine légale et le numéro de la tombe.

Discussion

Bilan du service de médecine légale de Sfax

Durant la période d'étude entre les années 2017 et 2021, nous avons colligé 539 cas de décès par submersion suite au naufrage de bateaux d'immigration clandestine, comptant pour 20,1 % de l'activité du service. Dans le monde, la plus grande proportion de décès de migrants et de réfugiés a été enregistrée en Méditerranée, selon le rapport de l'Organisation internationale pour les migrations (OMI) publié en 2022 (4). La Méditerranée est considérée comme un cimetière marin des personnes cherchant à atteindre l'Europe. Depuis le début de 2014, l'OMI a enregistré la mort de plus de 20 000 personnes en mer Méditerranée (5). Trois principales voies migratoires traversent la Méditerranée : à l'ouest, du Maroc vers l'Espagne ; au centre, de la Tunisie ou la Libye vers l'Italie ; et à l'est, de la Turquie vers la Grèce  (4). Ainsi, la Tunisie constitue un pays de transit pour les habitants de multiples pays africains comme le Mali, la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Burkina Faso, mais aussi un point de départ des Tunisiens qui cherchent à regagner l'Europe du Sud  (Italie et France).

Dans notre étude, nous avons relevé un déclin important du nombre de victimes en 2019 (2,4 %) puis une remontée en 2020 (21,3 %), encore plus importante en 2021 (50,3 %). Cependant, le rapport de l'OMI sur l'état de la migration dans le monde publié en 2022 a montré que sur six années de collecte de données (entre 2014 et 2020), l'année 2020 avait enregistré le total le plus bas de décès de migrants internationaux (environ 3900) par rapport à l'année précédente (environ 5400 en 2019). Selon ce rapport, la diminution des décès entre 2019 et 2020 est estimée être secondaire aux restrictions de mobilité imposées par la pandémie de COVID-19 (4).

Dans notre étude, les victimes étaient essentiellement de sexe masculin (67,5 %), avec un sex ratio de 2,08. De même dans le monde, en 2020, les migrants de sexe masculin représentaient 51,9 % de l'ensemble des migrants (4). Dans notre étude, la majorité des victimes était des adultes (94,3 %). Les mineurs âgés de moins de 18 ans représentaient 5,8 % de notre population d'étude. Dans le monde, la plupart des migrants internationaux (78 %) étaient des adultes contre 22 % de mineurs âgés de moins de 18 ans (4). Certes, la proportion de migrants mineurs est faible mais ce phénomène de migration clandestine chez les mineurs est grave et doit être pris sérieusement en considération.

Difficultés rencontrées lors de la gestion des catastrophes de masse liées à l’immigration clandestine

Défaillances logistiques et organisationnelles de la procédure de gestion 

La gestion des catastrophes de masse liées à l'immigration clandestine rencontre plusieurs difficultés dues à des défaillances logistiques et organisationnelles de la procédure de gestion, intrinsèques et extrinsèques.

Faiblesses intrinsèques

Tout d'abord, nous relevons l'inadéquation des locaux pour une gestion fluide de ce type de catastrophe, qui répond à des standards internationaux en la matière. L'exiguïté des salles et leur agencement empêchent une circulation dans un seul sens des cadavres et rendent difficile la réception de plus de cinq cadavres à la fois. De plus, le pavillon des autopsies ne dispose ni de système d'aspiration ni de système de pression négative pour assurer une aération efficace. Ceci entraîne de mauvaises conditions de travail et un risque sanitaire pour le personnel. Par ailleurs, le retard d'inhumation entraîne une saturation des chambres frigorifiques, notamment en l'absence d'un système de rangement des cadavres permettant d'optimiser la surface disponible. La capacité d'accueil est de ce fait rapidement dépassée. D'autre part, le personnel du service se limite à une vingtaine de personnes. Tout renfort humain est basé sur le principe du bénévolat, généralement assuré par des personnes peu ou pas formées. Lors des catastrophes de masse, ces mêmes personnes se retrouvent rapidement fatiguées et dépassées. Des équipes de relais ne sont pas disponibles. De plus, le service de médecine légale manque de matériel et d'équipements. Le personnel essaie de se constituer une réserve en prévision d'un naufrage de masse mais ce stock se trouve rapidement épuisé, notamment à la suite de la réception d'un grand nombre de victimes. Soulignons enfin l'absence d'odontologiste médico-légal et d'appareil de radiologie mobile (et d'accès aisé au service de radiologie), ce qui fait perdre des données utiles à l'identification.

Menaces extrinsèques 

Les menaces extrinsèques sont essentiellement représentées par le flux important de victimes en un

laps de temps réduit, ce qui retentit sur la qualité du travail réalisé et expose le personnel à des risques (tels que les accidents d'exposition au sang, le syndrome d'épuisement professionnel ou burn-out) du fait de l'épuisement et de la baisse de la vigilance (6). Parallèlement, nous déplorons l'absence de plan d'action clairement établi à l'échelle régionale, qui définit les différents intervenants ainsi que la tâche allouée à chacun d'eux, et se déclenche systématiquement à la survenue d'une catastrophe. Ceci, à côté de l'absence de stock stratégique de matériel systématiquement et rapidement mobilisable en cas de survenue d'un naufrage de masse. Par ailleurs, le climat général de travail en cas de catastrophe est généralement défavorable avec des pressions politiques, médiatiques et sociales, que les victimes soient des Tunisiens ou des étrangers. En effet, il est demandé aux équipes d'agir rapidement mais efficacement. Toute erreur d'identification serait dramatique. D'ailleurs, des réactions imprévisibles des familles des personnes portées disparues, impatientes de connaître le sort de leurs proches, ont été observées avec des violences et des menaces envers le personnel, et même une prise d'assaut du pavillon des autopsies. Des dispositifs de sécurité devraient être mis en place pour protéger les intervenants. Signalons enfin les difficultés engendrées par le retard d'inhumation par les autorités locales des cadavres non identifiés à cause du retard de préparation des tombes et de l'absence d'anticipation des besoins. Ceci entraîne l'accumulation des cadavres dans les locaux du service de médecine légale dont la capacité d'accueil est déjà limitée, et la décomposition des cadavres mal conservés. La prise en charge d'autres victimes de naufrage devient alors très difficile dans des locaux encombrés et mal assainis.

Difficultés liées à la mission médico-légale 

Les décès dans un contexte de naufrage constituent des morts suspectes, qui posent un obstacle médico-légal à l'inhumation nécessitant l'ouverture d'une enquête judiciaire et une investigation médico-légale. L'autopsie pratiquée aura pour objectifs la détermination de la cause du décès et sa datation, et l'identification de la victime (7). Chacune de ces missions pose des difficultés particulières dans le contexte d'un naufrage de bateaux d'immigrés clandestins.

La détermination de la cause de la mort 

La submersion vitale est attestée par un ensemble de signes en fonction du délai post mortem, que ce soit à l'examen externe ou à l'autopsie. Toutefois, la putréfaction rend la certitude diagnostique de plus en plus difficile. Le seul examen de confirmation dans ce cas est la recherche de diatomées, mais cet examen reste techniquement difficile et coûteux, donc rarement utilisé dans le contexte de catastrophe de masse. Néanmoins, le médecin légiste doit être conscient que toute mort survenant en mer dans un contexte d'immigration clandestine n'est pas systématiquement due à une submersion. Il doit éliminer toutes autres causes, notamment celles relevant de la responsabilité d'une tierce personne. En effet, lors de ces voyages en haute mer sur des bateaux de fortune surchargés d'immigrants, la possibilité de tensions entre les passagers ou entre les passagers et l'organisateur de la traversée est omniprésente. Ces tensions peuvent aboutir à des violences qui peuvent aller jusqu'à l'élimination de passagers indésirables dans le but de maintenir l'ordre sur le bateau ou simplement de diminuer sa charge. De plus, des incendies peuvent avoir lieu dans la chambre de commande du bateau (par explosion du moteur ou en raison de fuites d'essence) et entraîner des décès par brûlures. Ainsi, le médecin légiste doit être particulièrement attentif à tout signe de violence sur le cadavre afin d'en déterminer l'agent et/ou le mécanisme causal et sa participation dans la survenue de la mort. Dans ce cadre, les lésions post mortem dues notamment au charriage, à l'attaque par les animaux aquatiques ou aux hélices des bateaux doivent être distinguées des lésions vitales.

La datation de la mort 

Malgré la richesse de la littérature à ce sujet (7-10), la datation approximative de la mort en cas de submersion reste difficile. Elle dépend de l’avancement de la putréfaction du cadavre. Toutefois, en eau de mer, divers paramètres interagissent pour modifier la vitesse de décomposition : la température de l’eau, l’exposition au soleil après un séjour en eau profonde, les conditions de séjour du cadavre après repêchage, etc. La datation de la mort dans un contexte de naufrage de bateau d’immigrés clandestins est de ce fait une tâche délicate, et c’est plutôt l’enquête judiciaire qui va apporter les éléments qui confortent l’estimation de cette date faite par le médecin légiste.

L’identification médico-légale des victimes 

Dans notre étude, le nombre de victimes identifiées était de 146, soit 27,1 % de tous les cadavres. Ceci témoigne de la difficulté et de la complexité du processus d'identification médico-légale. La première difficulté réside dans la définition d'un bilan prévisionnel du nombre de victimes. Le naufrage d'un bateau d'immigration clandestine constitue en fait une catastrophe « ouverte » avec un nombre de personnes disparues ou de victimes effectives indéfinissable et généralement très important (11). Ensuite, la mission d'identification des victimes doit répondre à une méthodologie stricte (11-13). Elle peut être parfois longue, interminable pour les familles éprouvées, souvent fastidieuse et généralement complexe. Pour cela, lNTERPOL a mis en place un guide d'identification (14). Ce dernier prévoit différentes phases. La première consiste à relever les restes humains et les objets personnels sur le lieu de la catastrophe. Ensuite vient le recueil des données post mortem par un examen détaillé des restes humains ainsi que des données ante mortem relatives à la personne portée disparue auprès de différentes sources. Et enfin, l'identification se fait par confrontation des données post mortem et ante mortem. Notons dans notre étude que la levée de corps n'est pas réalisée sur les lieux de la découverte des cadavres. L'identification médico-légale utilise plusieurs procédés scientifiques, de complexité variable, et avec une certitude du résultat différente d'une méthode à l'autre (12,15-19). L'identification est classée, en fonction des méthodes utilisées, en identification formelle, probable, possible et exclue. Dans notre étude, l'identification des cadavres frais s'est basée sur l'identification visuelle couplée aux empreintes digitales et/ou à l'étude génétique. Pour les cadavres putréfiés, la méthode d'identification utilisée était uniquement l'étude génétique.

Conclusion

Dans ce travail, nous avons présenté l'expérience du service de médecine légale de Sfax dans la gestion et l'identification des cadavres de naufrages de bateaux d'immigration clandestine. Cette expérience est caractérisée par l'acquisition d'une compétence technique et la disponibilité des différents intervenants avec mise en place d'un protocole interne de gestion tout en suivant les protocoles internationaux. Cette organisation efficace et multidisciplinaire a permis l'identification de plusieurs corps. Même si des avancées importantes ont pu être réalisées, différents défis et difficultés restent à surmonter pour pouvoir apporter une réponse rapide aux familles qui vivent dans l'incertitude quant au sort de leurs proches disparus.

Financement : aucun

Conflit d'intérêt : aucun

Managing mass disasters linked to the sinking of illegal migrant boats: experiences of the Sfax forensic medicine service

Abstract

Background: The sinking of illegal migrant boats has been unpredictable. It has resulted in mass disasters that cause deaths and attracts huge media attention, thus making it a medico-social emergency.

Aims: This paper reports activities of the forensic medicine service in Sfax, Tunisia and describes the forensic management of mass disasters related to the sinking of illegal migrant boats as well as the main challenges.

Methods: This is a retrospective, descriptive study that includes all cases of drowning deaths examined at the forensic department of Habib Bourguiba Hospital, Sfax, following the sinking of illegal migrant boats over a four-year period (October 2017 to September 2021).

Results: During the study period, we received 539 corpses following the sinking of illegal migrant boats. The median number of deaths was 93 per year. There was a significant decrease in the number of victims in 2019 (13 victims), followed by a significant increase in 2020 (115) and 2021 (271). We noted two frequency peak periods in June and July, 31.4% and 20.8%, respectively. The victims were mostly male (67.5%) with a sex ratio of 2.08. Minors aged under 18 years were 5.8% and pregnant women were 2.4%. The majority (63.1%) of the victims were of sub-Saharan origin and there has been an increase in the number of victims from this region over the past two years. Samples were systematically collected for genetic investigation and 146 (27.1%) victims were identified.

Conclusion: There have been significant advances in the identification of the victims of migrant boat sinking around the Tunisian coast, however, there are several challenges in providing information rapidly to the families of the victims to clarify the uncertainty about the fate of their missing loved ones.

إدارة الكوارث الجماعية المرتبطة بغرق سفن المهاجرين غير الشرعيين: تجارب دائرة الطب الشرعي في صفاقس

وئام بن عمر، هالة السيالة، حنان ذويب، نرجس الكراي، فاطمة داود، الحسين لبكم، زهير الحمامي، ملاك الزريبي، سمير معتوق

الخلاصة

الخلفية: لقد كان غرق قوارب المهاجرين غير الشرعيين أمرًا غير متوقع. وقد أسفر عن كوارث جماعية تتسبب في وقوع وفيات ويجتذب تغطية إعلامية ضخمة، الأمر الذي جعله حالة طوارئ طبية اجتماعية.

الأهداف: تُبيِّن هذه الدراسة أنشطة دائرة الطب الشرعي في مدينة صفاقس التونسية، وتصف إدارة الطب الشرعي للكوارث الجماعية المتعلقة بغرق قوارب المهاجرين غير الشرعيين، إضافةً إلى التحديات الرئيسية.

طرق البحث: هذه دراسة وصفية استعادية تشمل جميع حالات الوفيات الناجمة عن الغرق التي فحصتها دائرة الطب الشرعي بمستشفى الحبيب بورقيبة في صفاقس، عقب غرق قوارب المهاجرين غير الشرعيين على مدار أربع سنوات (من أكتوبر/ تشرين الأول 2017 إلى سبتمبر/ أيلول 2021).

النتائج: خلال فترة الدراسة، استقبلنا 539 جثةً، على إثر غرق قوارب مهاجرين غير شرعيين. وبلغ متوسط عدد الوفيات 93 وفاة سنويًّا. وشهد عام 2019 انخفاضًا كبيرًا في عدد الضحايا (13 ضحية)، ثم زيادة كبيرة في عامَي 2020 (115 ضحية) و2021 (271 ضحية). ولاحظنا فترتَي ذروة متكررتين في يونيو/ حزيران ويوليو/ تموز 31.4% و20.8%، على التوالي. كذلك كان معظم الضحايا من الذكور (67.5%)، وكانت نسبة الذكور إلى الإناث 2.08. وبلغت نسبة القصَّر الأقل من 18 عامًا 5.8%، وبلغت نسبة الحوامل 2.4%. أما أغلبية الضحايا (63.1%)، فكانوا من منطقة جنوب الصحراء الكبرى، وحدثت زيادة في عدد الضحايا من هذه المنطقة خلال العامين الماضيين. وجُمعت عينات بانتظام للتحقيق الجيني، وجرى التعرف على 146 ضحيةً (27.1%).

الاستنتاجات: لقد تحققت تحسينات وتطويرات مهمة في التعرُّف على ضحايا غرق قوارب المهاجرين على طول السواحل التونسية والتحقق من هوياتهم، ورغم ذلك، توجد عدة تحديات في توفير المعلومات بسرعة لأسر الضحايا، لتبديد الشكوك المتعلقة بمصير أحبائهم المفقودين.

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